Le 11 octobre 1962 s’ouvrait le concile Vatican II. Les
évêques du monde entier étaient invités, soit environ 2500 qui sont retrouvés
pendant quatre sessions de deux mois, accompagnés d’experts en théologie, en
présence d’invités, notamment des représentants des autres confessions
chrétiennes.
Fêter ce cinquantenaire, personne dans l’Eglise ne devrait
pouvoir y échapper tant l’événement a d’importance pour l’Eglise du XXème
siècle. Mais il est des manières de commémorer un événement qui n’ont d’autre
but, ou du moins d’autre conséquence que de mieux s’en démarquer. Il ne
faudrait pas que ce cinquantenaire ne soit qu’un enterrement fût-il de première
classe.
Ainsi, ne saurait convenir même une commémoration qui serait
informative ou érudite, aussi nécessaire que soit la connaissance de
l’événement. Si nous nous tournons vers ce passé récent de notre Eglise, c’est
parce que nous pouvons y puiser pour aujourd’hui des éléments pour nous repérer
dans la vie, ce que les deux derniers Papes ont appelé une boussole pour notre temps.
Parler de boussole, c’est sous-entendre qu’il n’est pas
évident de trouver son chemin, qu’une analyse de la situation est nécessaire
pour s’orienter et que, comme un nord qui permet de se repérer, le concile
indique non pas la route à suivre – on irait tous au pôle
nord ! ‑, mais comment orienter la carte de ce monde, de notre vie,
de notre foi, pour continuer notre marche sur les chemins de l’évangile.
Etre disciple de Jésus, c’est être en route, c’est un
chemin. Lui-même s’est dit chemin, et les premiers chrétiens s’appelaient entre
eux disciples de la Voie. Lorsque le monde change, lorsque l’on en est à une
rupture de civilisation, certains pleurent et agitent le spectre d’une
apocalypse. D’autres trouvent des moyens nouveaux, de nouvelles cartes de la
société et de la culture. Reste à les orienter, et le concile est la boussole
pour l’Eglise. Nous n’avons rien à craindre. Jean-Paul II citait l’évangile dès
les premiers mots de son pontificat ; N’ayez pas peur ! Il n’y a pas
de place pour la peur dès lors que nous sommes les disciples de Jésus. C’est le
Satan qui effraie !
Mais depuis ce cri à la loggia de St Pierre, l’Eglise a
peur, et peut-être le même Jean-Paul II n’y est-il pas pour rien. Les
spécialistes s’accordent par exemple à reconnaître que le très officiel
catéchisme de l’Eglise catholique, publié il y a vingt ans, en rabat par
rapport au concile. Certains prétendent que le concile nous aurait menés à la
situation de sécularisation qui est la nôtre. On peut à coup sûr affirmer que
sans ce concile, l’Eglise ne serait plus qu’une secte défiant le monde,
extrémiste, à l’image de ce que donnent à voir les intégristes de toutes les
religions.
Que signifie alors se servir du concile comme d’une
boussole ? Assurément, nous ne trouverons pas avec une boussole un chemin
tout tracé, un carnet de voyage qui nous indiquerait les sites sûrs et ceux qui
sont mal fréquentés. La boussole ne dispense pas de s’aventurer pour explorer
soi-même et découvrir son chemin.
Il est difficile et risqué de résumer en une phrase, une
thèse, ce que fut l’événement conciliaire. On pourrait cependant dire que le
concile a pressenti ce que représente pour l’Eglise le pluralisme culturel.
Avec la prise en compte des cultures non occidentales ‑ Inde et Chine en
Extrême-Orient mais aussi Vietnam et Cambodge, Islam, civilisations premières
que l’on ne veut plus considérer comme des primitifs barbares, le monde de 1962
déjà, celui de 2012 encore plus, n’est plus une affaire occidentale. Cela
commençait à se voir, symboliquement, par la présence d’évêques autochtones.
Cela se dessinait avec les bouleversements des décolonisations. Cela se
comprenait intellectuellement comme une rupture de civilisation.
Si l’Eglise a un avenir, ce n’est ni dans un régionalisme,
ni dans une volonté de construire une chrétienté universelle, mondialisation
version chrétienne, mais c’est dans un dialogue engagé avec tous pour la
construction d’un monde plus humain, c’est-à-dire fraternel. Les disciples de
Jésus font de cette fraternité non seulement une métaphore, mais l’annonce
comme une bonne nouvelle de la paternité aimante de Dieu.
Ne plus se prendre pour le centre du monde, ne plus croire
l’évangile unique chemin d’humanisation ne remet pas en cause l’universalité de
la mission de Jésus que l’Eglise veut servir. Mais cela conduit à une nouvelle
manière d’évangéliser. L’Eglise se fait conversation, comme le dira Paul VI,
elle doit cesser de condamner, non par complaisance béate, mais pour aimer ce
monde à l’image du Père qui a tant aimé le monde. Le jugement n’appartient pas
à l’Eglise mais la lutte contre toutes les formes de violences et d’injustices.
La nouvelle évangélisation devrait permettre de penser la place de l’évangile
dans un monde qui n’est plus chrétien, parce qu’il ne l’a jamais été,
contrairement à ce qu’on voulait penser, parce qu’il ne le sera plus,
contrairement à ce à quoi rêvent certains prélats aujourd’hui. La
sécularisation est notre monde, y compris dans les pays du Sud. Que signifie y
vivre l’évangile, y vivre de l’évangile ?
Assurément le concile ne s’est pas exprimé ainsi, mais sa
plus grande nouveauté réside sans doute dans la prise de conscience d’un
changement de civilisation et c’est par cette prise de conscience, celle de la
fin de la chrétienté, qu’il doit nous servir de boussole aujourd’hui. La façon
dont Jésus a vécu sa relation au Père, laquelle détermine sa relation à ses
frères, doit être notre chemin. C’est le chemin du serviteur qui renonce au
pouvoir, à la prétention de détenir la vérité et se fait le champion de la
charité.
Se tient en ce
moment à Rome un synode des évêques sur la nouvelle évangélisation. Que
l’Esprit saint guident le Pape et les évêques sur un chemin audacieux d’om
toute peur est bannie. L’annonce de l’évangile est un témoignage, ce qui se dit
en grec un martyre. Il n’y aura pas de nouvelle évangélisation sans le recours
à la faiblesse et l’abandon par l’Eglise de toute forme de puissances.
Se tenait à Rome, il
y a tout juste cinquante ans le second concile du Vatican. Que nous tous,
chrétiens, prenions le temps de connaître un peu plus ce concile dont Jean-Paul
disait qu’il avait été « la grande grâce dont l'Église a bénéficié au
vingtième siècle: il nous offre une boussole fiable pour nous orienter
sur le chemin du siècle qui commence. »
Ils sont nombreux
dans notre monde ceux qui ne voient pas l’intérêt de croire, ceux qui voient
plutôt l’intérêt de ne pas croire. Que notre suite du Christ suscite
l’étonnement.
« Les joies et
les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des
pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les
espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien
de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » Que la vie de tous
soit le corps de notre prière.
Jésus s'est dit chemin, mais aussi vérité et vie. Du coup la morale finale gauchit (si tu me permets) le message évangélique... Que signifie : Jésus est le "serviteur qui renonce à la prétention de détenir la vérité" ? La vérité renonce à la vérité, c'est ça ? Je ne comprends pas bien... On pourrait aussi dire : le chemin se trompe de chemin... j'ironise un peu, mais ta dialectique m'échappe en partie !
RépondreSupprimerAmicalement (quand même !)
Yann,
RépondreSupprimerLes bras m'en tombent. Faudrait-il pour toi que la vérité soit autre qu'un chemin, tout comme la vie ? Je vais railler moi aussi. Un petit peu de philo pourrait être nécessaire pour faire de la théologie et même des homélies.
Bon, assez du sarcasme qui risque de nous blesser pour rien.
La vérité, pour l'homme, c'est impossible. Evangile de dimanche. Dieu, Jésus, le salut, pour l'homme, c'est impossible. Et pourtant, c'est sa vocation. Alors...
Alors il faut sortir de l'impasse, non en sacrifiant la vérité, cela va sans dire. Non en faisant comme si nous y avions accès, en la possédant, ce serait violence. Reste à ruser. Dieu, la vérité, nous l'avons, si je puis dire, comme ne l'ayant pas. Ou nous ne l'avons pas, sauf à constater notre indigence. Le Cantique des Cantique raconte cela, non ? Mais aussi l'évangile de Jean. Ceux qui savent qui est Jésus, au chapitre 18, lui mettent la main dessus et le mènent à la mort. Les disciples, au chapitre premier, répondent à la même question (quasi): Que cherchez-vous ? Ils se gardent bien de répondre. Ils sont mis en chemin, venez et vous verrez. Et ainsi en savent-ils long sur celui dont ils deviennent ainsi les témoins.
Enfin, pourquoi interroger par ce biais ? Est-ce que tu contesterais qu'il y a rupture de civilisation, justement dans la conception de la vérité ? Résisterais-tu à ce que la nouvelle évangélisation soit conversation, loin d'une Eglise qui sait ?
Je n'ai pas vu la morale de ton post...
Bien fraternellement.
" un dialogue engagé avec tous pour la construction d’un monde plus humain, c’est-à-dire fraternel."
RépondreSupprimerVoilà au moins un point sur lequel je vous rejoins.
Il est possible d'engager ce dialogue avec « certains » chrétiens.
Quant à l'église institutionnelle et vaticane… En matière de dialogue avec tous, Il y a loin, très très loin, de la coupe aux lèvres… sauf bien sûr à considérer dès le départ qu'au final, et après pseudo dialogue, il faut se ranger à la vérité des vérités que l'église croit détenir…
Sinon ! Gare ! Le châtiment de Dieu n'est pas loin !
C'est sans doute là la raison la plus essentielle pour moi qui m'a fait quitter l'église et les églises…
Je préfère Jésus que le pape !…
Il est vrai qu'on dit souvent que les héritiers dilapident le bien d'origine…
Vous reconnaîtrez avec moi qu'il est plus facile de préférer Jésus au Pape. Certes, c'est pas parce que ce serait plus chiant d'aimer le Pape que ce serait plus méritoire. Mais Jésus ne risque pas trop de nous contester, de nous contrarier. Je ne dis pas cela pour diminuer la préférence envers Jésus, que le Pape lui-même ne pourrait que ratifier, mais à cause de ce réalisme chrétien, qui dans la lourdeur, et parfois la laideur de l'institution, ou de l'autre, interdit l'imaginaire et convoque au réel, même impossible.
RépondreSupprimer"Jésus ne risque pas trop de nous contester, de nous contrarier. "
RépondreSupprimerBen si justement ! Il est bien des propos de Jésus que je reçois parfois en pleine figure… ( Ne serait-ce que sa divinité…)
Certes, il y a toujours le risque de prendre ce qui nous convient et de rejeter le reste… Tout dépend sans doute de la nourriture dont on a besoin à tel ou tel moment…
à être sans cesse considéré (par l'eglise) comme mauvais, pêcheur, moins que rien, infidèle, immoral, mécréant, etc.… On finit par entrer dans la désespérance et sans doute pire encore dans la culpabilité permanente, qui n'est jamais qu'une forme d'égocentrisme…
( C'est ma faute, c'est ma très grande faute, et pendant que je bats ma coulpe à l'infini… Je ne fais pas grand-chose d'autre…)
Je trouve que le génie de Jésus, si je puis me permettre de parler ainsi, c'est d'inciter sans cesse à se remettre debout et à oser son existence. ( C'est quand même plus tonique ! Et la vie apprend que ce n'est pas pour autant un long fleuve tranquille !…)
Je n'ai guère connu cette attitude par des gens d'église que j'ai fréquenté, ou alors ce fut exceptionnel.
n'aurais-je rencontré que les mauvaises personnes au mauvais moment ?
Je ne doute pas qu'il se passe de bonnes choses dans l'église, ce serait un comble qu'il en soit autrement, mais j'ai la perception d'un organisme sclérosé, fixé sur l'accessoire, englué dans des querelles de spécialistes, qui n'intéressent qu'eux-mêmes, et au final cela me désole…
Le monde attend une Parole… Ceux qui en sont dépositaires bavardent entre eux…
Car le monde plus humain ne se construira pas à ces endroits-là…
C'est déjà tellement difficile de trouver un chemin vers plus de lumière… qu'il est bien dommage de se sentir plongé dans la noirceur que j'évoque ci-dessus.