On ne peut pas dire que le Baptiste soit un homme de
consensus. Il a manifestement un certain nombre de personnes dans le nez. Ce
n’est pas très chrétien tout cela !
On ne peut pas dire que l’évangéliste soit très objectif.
Qui croira que Jérusalem, toute la Judée
et toute la région du Jourdain venaient à Jean ? Faut pas
pousser !
Pourquoi le Baptiste et Matthieu exagèrent-ils ? Il
faut qu’il y ait un impératif indiscutable pour en rajouter ainsi.
Rien n’est pire semble-t-il que cette minorité, pharisiens et
sadducéens, face à la majorité du pays, des pays ; rien n’est pire que l’hypocrisie de cette
minorité : traitrise de la vipère, stratégie pour fuir la colère qui
vient, conviction d’être dans le bon camp, sauvés comme si cela était dû, par
hérédité : ils sont fils d’Abraham.
Que viennent-ils chercher auprès de Jean, ces gens
bien ? Pourquoi un geste de conversion si, au fond d’eux-mêmes, ils sont
dans le vrai qu’ils savent mieux que personne ? Ils jouent la contrition
mais dictent les règles. Peut-on être à la fois et juge et pénitent ?
Celui de Camus est moins arrogant. Et c’est tout exprès que son auteur le nomma
Jean-Baptiste.
Jean ne se laisse pas avoir. C’est comme si le jugement
dernier avait déjà commencé. Et notre texte a une saveur apocalyptique : la
cognée est à la racine de l’arbre ; la pelle à vanner est sortie et déjà
brûle le feu dans lequel on jettera la paille, un feu qui ne s’éteint pas.
Au début de l’évangile (nous sommes au chapitre 3), le
combat, l’agonie comme on dit en grec, de la passion a déjà commencé, le
conflit avec la fine fleur des institutions juives est déclaré. Les plus
religieux, les plus orthodoxes, les plus pratiquants des commandements sont
dans le collimateur et cela se terminera très mal… par la mort de Jésus. On
comprend le style apocalyptique.
C’est qu’être fils d’Abraham ou disciple de Jésus est bien
autre chose que de respecter les traditions des anciens ou les commandements de
l’Eglise. Non que ces derniers n’aient pas de sens. Mais si nous pensons que
leur respect fait de nous des gens bien, nous sommes fichus. S’il suffit à nos
yeux de ne pas les respecter pour être des chrétiens tièdes, voire le signe de
la décadence de la société, nous sommes fichus, et non pas ceux qui nous
apparaissent bien peu sérieux avec la religion. Pire, nous demandons sans cesse
pardon, mais nous ne croyons pas vraiment avoir besoin de conversion. En quoi
devrions-nous changer puisque déjà, nous sommes des gens bien, nous savons ce
qui est bien ?
Au début de l’Avent, cet évangile nous met en garde, nous
qui nous disons disciples de Jésus. Notre pratique pourrait être précisément ce
qui nous écarte de Jésus, ce qui fera qu’au terme nous serons la proie du feu
qui ne s’éteint pas.
Comment donc ? Notre fidélité serait-elle le chemin de
notre perte, disons-le, de notre damnation ? Oui, chaque fois qu’elle nous
aura dispensés d’écouter les frères, d’apprendre d’eux, sous prétexte que nous
savons, nous, par la révélation ou par la loi naturelle, ce qu’est la pensée de
Dieu. Qui connaît la pensée du Seigneur,
quel conseiller peut l’instruire ?
C’est cela je crois, le péché contre l’Esprit. Se servir de
l’Esprit pour se fermer à l’Esprit, ce servir de la foi pour ne surtout pas
faire confiance, se livrer à l’inconnu des chemins où nous conduit l’Esprit.
La conversion que le Baptiste propose et que le baptême dans
l’Esprit scelle, si elle ne fait que confirmer la morale de notre classe, si
elle ne réclame pas un changement dans nos manières d’être, est une fumisterie,
celle précisément que dénonce le texte. Jean nous met en face de nos
contradictions. C’est un moment de crise, de jugement, de jugement dernier.
C’est toujours la même histoire avec l’évangile. Les pécheurs passent devant, non qu’il est bon de pécher, mais que les publicains sont tellement à côté de la perfection qu’ils ne risquent pas de se croire des gens bien. Le contraire de la sainteté n’est pas le vice mais la vertu. Voilà où l’Eglise du XIXème fut la grande responsable de la déchristianisation. A nous de choisir, soit la perfection ou du moins le fait d’être quelqu’un de bien, soit la nécessité de la conversion : soit l’enfermement dans le contentement de soi, soit la sainteté.
C’est toujours la même histoire avec l’évangile. Les pécheurs passent devant, non qu’il est bon de pécher, mais que les publicains sont tellement à côté de la perfection qu’ils ne risquent pas de se croire des gens bien. Le contraire de la sainteté n’est pas le vice mais la vertu. Voilà où l’Eglise du XIXème fut la grande responsable de la déchristianisation. A nous de choisir, soit la perfection ou du moins le fait d’être quelqu’un de bien, soit la nécessité de la conversion : soit l’enfermement dans le contentement de soi, soit la sainteté.
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