A dix jours de Noël, au troisième des quatre dimanches de l’Avent,
aucun des textes entendus ne parle de la naissance de Jésus. La venue que nous
attendons, les fêtes auxquelles nous nous préparons ne sont pas celles dont se
préoccupe la liturgie de ce jour.
L’évangile présente un Jean-Baptiste adulte, à quelques
jours de sa mort, bien loin d’Elisabeth et Zacharie, bien loin de la
visitation. La question du Baptiste parle bien de venue, de venue du messie,
mais c’est à Jésus que la question est posée, lui aussi à quelques mois de sa
propre mort, bien loin de sa naissance et de la crèche. « Es-tu celui qui
doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »
S’il fallait une preuve de ce que l’Avent n’est pas une
préparation à Noël, voilà qui paraît suffisant. Les calendriers de l’Avent, à
en croire la liturgie, nous mènent sur une fausse piste. Ce n’est que la
dernière semaine de l’Avent, du 17 au 24 décembre, qui tournera nos regards
vers Bethléem et la montagne de Judée.
« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en
attendre un autre ? » La question du Baptiste, adulte, chercheur
volontaire de vérité, a une vigueur transhistorique. Elle peut être la nôtre,
elle doit sans doute l’être. Si le Baptiste se renseignait sur la naissance de
Jésus, il n’y aurait plus de quoi poser cette question aujourd’hui.
Mais à interroger Jésus lui-même, à chercher à identifier la
figure de celui qui est attendu depuis l’origine du monde comme la vérité de l’humanité,
sa force libératrice du mal, le Baptiste nous donne des mots pour notre propre quête,
identique à la sienne.
Nous aussi, nous attendons le monde libéré du mal. Et Jésus confirme
la légitimité de cette attente, c’est exactement ce qui arrive : « Allez
rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : Les aveugles voient, les
boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts
ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. »
Si nous nous inclinons devant la crèche, nous le devons à
François d’Assise ou 12ème siècle, inventeur de la crèche. Mais
lorsque François tourne notre regard vers l’enfant de la crèche, il nous invite
à regarder l’humanité de Jésus, non à attendre une naissance, il y a deux mille
ans. François, l’homme de la Passion, a vécu sous le signe de la mort, depuis l’abandon
des richesses paternelles, une église en ruine, la dépossession de son ordre,
le service des pauvres, dépouillés, François attend celui qui doit venir,
attend lui aussi la lumière et la vie.
Peut-on encore penser, douze ou vingt et un siècles après sa
mort, que Jésus est celui que l’on attend ? L’attendons-nous d’ailleurs ?
Le vénérer à la crèche, n’est-ce pas une bonne manière de ne plus rien
attendre, mais seulement de se réchauffer au feu d’une belle histoire, de la
nostalgie d’un monde définitivement passé. Jésus est tellement celui qui est
venu que nous pourrions finalement ne plus rien attendre de lui. Sa légende
nous tient lieu de consolation, pour être bien certains de ne plus être
provoqués par le signe de sa venue aujourd’hui, le renversement d’un monde :
« les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés,
les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée
aux pauvres. »
Si nous sommes dans l’attente, c’est parce que ce monde en
sa violence, jusque dans les églises et les communautés, nous est insupportable
et que nous en attendons la libération. Si nous sommes dans l’attente c’est
aussi parce qu’il nous manque, comme l’aimé. Nous ne pouvons sans inquiétude,
ainsi que le dit Augustin, nous repaître de chanter sa gloire et sa présence
parmi nous. C’est mensonge. Alors qu’une part toujours plus grande d’entre nous
se passe très bien de Dieu, nous ne pouvons pas ne pas nous aussi manquer de
Dieu, à moins de colmater le manque, gourmandise spirituelle, péché capital, nous
goinfrant de sucreries dévotionnelles.
Ce temps de l’Avent est temps de tension. Nous sommes tendus tout entier vers « celui qui doit venir ». Nous n’en attendons pas d’autre. Nous sommes dans le grand écart entre la crèche, passée, « car il est déjà venu », et la soif d’un monde réconcilié, la soif d’un désir démesuré, jouir du bien-aimé, « car il viendra de nouveau ». Ô viens Emmanuel, ô viens ne tarde plus.
Ce temps de l’Avent est temps de tension. Nous sommes tendus tout entier vers « celui qui doit venir ». Nous n’en attendons pas d’autre. Nous sommes dans le grand écart entre la crèche, passée, « car il est déjà venu », et la soif d’un monde réconcilié, la soif d’un désir démesuré, jouir du bien-aimé, « car il viendra de nouveau ». Ô viens Emmanuel, ô viens ne tarde plus.
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