Me parvient un appel à contributions pour un colloque d'historiens et sociologues des religions. Je le recopie ci-dessous. Il développe comme de coutume la problématique d'un colloque et pose des questions susceptibles d'êtres instruites par tel ou tel chercheur.
Ce papier m'inspire deux réflexions.
Premièrement, si le texte pose bien le problème, il relève me semble-t-il de la thèse. C'est légitime, restera à voir si le colloque valide ou infirme cette thèse.
Deuxièmement, je constate que l'on parle scientifiquement de catholiques d'identité, en face ou à côté des cathos de gauche, susceptibles d'être étudiés, décrits, positivement..Cela invite à resituer la nouvelle évangélisation, les communautés nouvelles comme l'Emmanuel, les défilés de la Manif pour tous dans un cadre militant qui n'est plus d'abord celui de l'engagement ou de la foi, mais de l'idéologie, à moins que la foi ne tienne lieu d'idéologie, ou ne soit réduite à une idéologie.
Intéressant....
Le catholicisme d’identité.
Approches historiques et sociologiques
Colloque organisé par Céline Béraud, Bruno Dumons et Frédéric Gugelot,
Jeudi 27 et vendredi 28 novembre 2014, à l’EHESS
Avec le soutien du CEIFR, du LARHRA et de l’IUF
Contrairement à l’image souvent
monolithique qu’en donnent volontiers les médias, le catholicisme français est
un monde pluriel. Pour appréhender cette pluralité, Philippe Portier a élaboré
(2001) et précisé (2012) une typologie construite autour de deux pôles :
celui de l’ouverture et celui de l’identité. Pour décrire le même phénomène,
Jacques Lagroye (2006) a parlé du « régime des témoignages » et de
celui « des certitudes ». Si les catholiques d’ouverture ont fait
l’objet de travaux récents (Pelletier et Schlegel, 2012), les catholiques d’identité
ont été encore peu étudiés (Baudouin et Portier, 2002 ; Landron, 2004). On
ne dispose que de quelques recherches, déjà un peu anciennes, sur les
communautés dites « nouvelles » (Hervieu-Léger et Champion et
Hervieu-Léger, dir., 1990 ; Pina 2001), surtout d’ailleurs sur les
charismatiques (l’Emmanuel, le Chemin neuf…) et moins sur les « réstitutionnistes »
(Communauté Saint-Martin, frères de Saint-Jean, foyers de Charité…).
L’un des premiers objectifs du
colloque consistera à interroger et à préciser la catégorie de « catholicisme d’identité », en la
confrontant notamment à d’autres, depuis plus longtemps constituées. Sera donc
menée une réflexion sur les typologies employées mais également sur les
conditions historiques d’émergence de ce catholicisme.
A cet égard, les années 1970
apparaissent comme un moment important. Ces années, celles de la « crise
catholique » (Pelletier, 2002), constituent une référence repoussoir pour
les générations plus jeunes, que l’on retrouve majoritairement dans le pôle de
l’identité. Sans les avoir vécues personnellement, elles en font la source de
la déprise catholique en France et développent un discours souvent très
critique par rapport à leurs aînés. Surtout, dans le sillage du décret Ad Gentes (1965) sur l'activité
missionnaire de l'Eglise, l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi (1975) pose déjà la question de la nécessité
d’une annonce « explicite » de la « Bonne Nouvelle » et
celle d’un « nouvel apostolat » pour défendre une foi « assiégée
et combattue » par le « sécularisme » et l’« athéisme
militant » et pour rejoindre les non-croyants et les non-pratiquants, en
particulier ceux des pays de tradition chrétienne, en prêtant une attention
particulière à la culture et aux médias. Si le colloque est principalement
centré sur le catholicisme français, l’échelon romain devra donc bien sûr être
pris en considération.
Les intervenant-e-s veilleront
aussi à articuler leur propos aux changements en cours dans le catholicisme
français depuis une quarantaine d’années. Il s’agira notamment de comprendre le
basculement qui se produit dans les années 1980, marquées par un épuisement et
un vieillissement des catholiques d’ouverture au profit de ceux qui se situent
du côté de l’identité. Comment ces derniers ont-ils investi les lieux
traditionnels d’exercice de l’autorité catholique (paroisses, diocèses,
conférence épiscopale) ? De quels soutiens ont-ils bénéficié à Rome ?
Pourquoi le second pôle est-il devenu plus attractif que le premier, tout
particulièrement pour les jeunes ? Quels sont les liens avec le vieux
courant intransigeant (Poulat, 2007) ? Reste-t-il attaché à des
formes d’intégralisme ? (Donegani, 1993 ; Fouilloux, 2008) ?
Comment s’y pose la problématique du schisme intégriste?
Dans une perspective
ethnographique, on s’intéressera aux modalités de socialisation et de
communalisation que les réseaux qui relèvent du pôle de l’identité proposent à
leurs membres (clercs et laïcs). On pourrait notamment étudier les formes de
piété qu’ils ont contribué à revigorer : processions, adorations, chemins
de croix dans l’espace urbain, etc. On montrera aussi comment y prédomine une
logique d’entre-soi, tout à la fois chaleureuse et rassurante, caractéristique
des groupements de convaincus. Au cours des activités religieuses mais
également dans leur comportement dans le monde marqué par un « perfectionnisme
moral », c’est un catholicisme de virtuoses (Weber, 1922) qui se donne à
voir. S’ils affichent leur attachement à la norme romaine, ces fidèles n’en sont
pas moins travaillés eux aussi par un processus d’individualisation. L’authenticité de
l’engagement personnel librement choisi et la qualité des relations
interpersonnelles tissées dans des réseaux ecclésiaux, subjectivement appréciée,
peuvent primer sur l’obéissance diocésaine. La question de la (dé)régulation
institutionnelle s’y pose donc autant qu’ailleurs.
Les catholiques d’identité, qui à
tort ou à raison se pensent comme minoritaires, ont développé une nouvelle
forme de présence au monde. Ils ont de fait rompu radicalement avec la
stratégie d’enfouissement de leurs aînés et cultivent volontiers leur
visibilité (importance accordée aux signes religieux, organisation de grands
rassemblements dont les Journées Mondiales de la Jeunesse sont exemplaires…) dans
une société sécularisée qui, selon eux,
les ignore voire les méprise. Apparaît ainsi l’affinité de ces catholiques avec
la démocratie des identités (Gauchet, 1998), travaillée par des luttes pour la
reconnaissance (Honneth, 1992).
Ces catholiques virtuoses ne sont
pas seulement des pratiquants mais également des militants, dont l’engagement
s’est déployé dans l’espace public et le réinvestissement du politique. On
s’intéressera aux principaux champs d’intervention qui sont les leurs (bioéthique,
famille, genre, culture, caritatif et humanitaire…) ainsi qu’à leur répertoire
d’actions (manifestations, pétitions, blogs, réseaux sociaux, lobbying
parlementaire, savoir-faire événementiel…).
Enfin, on pourra s’interroger sur
les effets de cette réaffirmation identitaire catholique dans les relations aux
autres groupes religieux. Repli confessionnel et donc refroidissement de
l’œcuménisme ? Quelle place dans le paysage religieux lui aussi
pluriel ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire