Au caté, nous parlons des rencontres de Jésus. Et c’est fou
le nombre de rencontres de Jésus ; les évangiles ne racontent presque que
cela. Parmi celles-ci, la rencontre avec Zachée (Lc 19, 1-10). Dans toutes ces
rencontres, Jésus manifeste que Dieu se donne ; Jésus lui-même se donne jusqu’au
bout. Mais en quoi le récit de ces rencontres et les affirmations dogmatiques
qui en découlent changent-t-elles notre vie ? La rencontre avec Zachée, par
exemple, se contente-t-elle de nous informer sur Jésus et Zachée, ou
permet-elle aujourd’hui de rencontrer Jésus ?
Christoph Théobald, un des actuels théologiens francophones,
parle de l’hospitalité de Jésus, une hospitalité qui le caractérise au point
que cela suffit à le distinguer de bien d’autres personnes, si ce n’est de tout
le monde. L’hospitalité, dans la rencontre avec Zachée, c’est la disponibilité
de Jésus qui remarque l’homme de petite taille, sans doute plus au sens figuré
qu’au sens propre, condamné à grimper aux arbres comme un animal, singerie d’humanité.
Jésus s’adresse à lui avec attention et respect ; du moins, ignore-t-il tout
ce qu’on reproche à Zachée. L’a priori est seulement de bonté, non de morale ou
de pureté rituelle.
Cette bonté hospitalière sonne juste. Ce que dit Jésus est ce qu’il vit ‑ il ne triche
pas, est authentique ‑, et Jésus vit pour les autres. Rien de faux, rien de
possessif, rien d’intéressé. « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que
j’ai fait », s’écrie la Samaritaine, et Zachée peut relire toute son
existence, inversant le vol par une générosité aussi extravagante que celle de Dieu
lui-même. Quant à Jésus, il n’a qu’un seul intérêt : « le fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Il vit comme serviteur de nos vies. Il vit
comme le saint.
La sainteté hospitalière de Jésus est d’effacement. Jésus
répugne habituellement à être reconnu, nommé. Il fait taire les esprits bavards
et mauvais ; il laisse l’aveugle-né dans l’ignorance de son identité ; il ne se désigne jamais directement, mais comme semeur, fils de l'homme, etc. Il
ne demande pas à être reconnu, identifié, nommé. Les histoires d’identité
finissent toujours dans la violence et l’exclusion. L’effacement de Jésus, avec
Zachée, conduit à inverser les rôles : celui qui bénéficie de l’hospitalité
de Jésus devient l’invitant qui accueille en sa maison.
Bien sûr, la rencontre se passe autour d’un repas. Jésus
mange presque aussi souvent qu’il rencontre les gens. Cela fait même jaser. Les
pharisiens et les scribes
murmurent : « Cet homme, disaient-ils, fait bon accueil aux pécheurs
et mange avec eux ! » Jésus rapporte ce que disent ses contempteurs :
« Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites :
"Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ! »
La convivialité du repas convient à l’homme qui partage ce qui fait vivre – il
rompit le pain ‑ depuis les invitations huppées avec personnel de maison
ou amicales comme chez Marthe et Marie, en passant par les quelques épis
froissés à travers champ, jusqu’à la profusion de la multiplication des pains.
Jésus
s’efface, et c’est Zachée qui est montré offrant généreusement. Jésus s’efface
et libère la générosité de Zachée. Jésus installe au centre ceux qu’il
rencontre. Ce n’est pas une affaire de modestie, de bienséance. C’est le sens
de sa vie, être serviteur de l’humanité, ouvrir l’homme à sa divinité. C’est
fou. Il est fou. D’ailleurs certains le disent possédé.
Jésus n’exige pas que l’on devienne disciple. Certains seulement
le suivent. Rien n’indique que Zachée soit devenu disciple. « Aujourd’hui
le salut est entré dans cette maison ». C’est tout. C’est tout, un point c’est
tout. C’est tout, c’est la totalité de sa mission et de la vie. La sainteté
hospitalière de Jésus ne cherche à s’agréger personne, elle est gratuite, sans
calcul, pour nous les hommes et pour
notre salut. Certains deviennent disciples et annoncent cette gratuité :
à notre tour, nous sommes de ceux qui relèvent leurs frères, ou révèlent, à la
suite des évangiles, ce que font ceux, disciples ou non, qui relèvent les
frères.
En un
instant, la vie de Zachée et de tous ceux que Jésus rencontre est ressaisie et
prend un sens nouveau. Les guérisons l’attestent à l’envi, les hommes et les
femmes redressés, relevés. Rencontres décisives où tout se joue, où la vie se
joue. C’est une histoire de vie et de mort, ce que l’on appelle résurrection. Une
bonne nouvelle jaillit qui change tout, un évangile.
Jésus n’a rien écrit. Les rencontres ont pris tout son
temps, le nourrissant, expression de la volonté du Père. L’évangile n’est pas
un texte mais la bonne nouvelle qu’est Jésus en ses rencontres. Jésus s’épuise en
des rencontres qui donnent la vie. Certains que Jésus avait rencontrés, ou qui
avaient rencontré de ceux que Jésus avait rencontrés, ont rapporté ces
rencontres (plus qu’ils ne transmettent des informations sur Jésus). A recevoir
ces récits de rencontre comme Zachée recevait Jésus en sa maison, nous
bénéficions nous aussi de la proximité bienfaisante de Jésus. C’est aujourd’hui
que nous sommes interpelés par la sainteté hospitalière de Jésus, c’est aujourd’hui
que le salut entre dans notre maison.
Bonjour,
RépondreSupprimerquant à la réflexion : "Il fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux", c'est ahurissant le nombre de fois où cela apparaît dans l'Evangile de Luc. C'est selon moi une clef de lecture. Cela dit aussi à quel point Jésus était choquant pour tout bien pensant.
Pourquoi présente-t-on toujours Zaché comme malhonnête ? La remarque "Si j'ai fait du tort à quelqu'un" ne dit pas qu'il l'ai fait ! Est-ce parce qu'il est riche ? Parce qu'il est chef des fermiers généraux ? Rien ne dit dans ce récit, de façon objective, que Zaché est malhonnête.
Enfin, tout cela est beaucoup trop facile, et les adversaires des chrétiens - au moins de l'Eglise, ne cessent de le dire. Il suffit d'être là au bon moment, bien en vue, et tout est pardonné ? À mon avis ça sent le piège, cette jolie histoire...
Combien y-avait-il dans la foule de gens mieux que Zaché pour recevoir Jésus chez eux, et qui ont du être mortellement vexés de se voir préférer cet "homme là"... Il est probable qu'ils ne se sont pas réjouis.
Salut à toi, et merci pour tes commentaires, ça m'aide bien à réfléchir!
Bertrand.
En général on entend dans les homélies que c'est suite à la venue du Christ que Zachée aurait pris la décision de devenir honnête, mais tout comme vous je ne lis pas ce passage de cette façon car je ne vois pas sur quoi objectivement elle repose.Oui Zachée est riche mais est-ce un voleur?Je n'en sais rien en tout cas de façon certaine.
SupprimerMerci Bertrand !
RépondreSupprimerMais ce coup là, ce n'est pas moi, c'est Theobald !
Dans les rencontres de Jésus : silence, discrétion, effacement, mise en avant de l'autre. Pas de gesticulation et d'avis sur tout devant micros et caméras (et pour cause !). Pas de prise de position définitive et péremptoire en affirmant que Dieu (qui est et se tait) a dit que ... Pas de conseils experts sur l'éducation des enfants, sur la vie conjugale et familiale émanant de vieux célibataires qui - comme tout un chacun - fait ce qu'il peut ou a fait ce qu'il a pu avec sa propre sexualité. Pas de conseils aux politiques pour gouverner le pays quand on est incapable soi même de gérer sa propre organisation, sa troupe ou son troupeau. Bref, vous aurez compris que le mécréant que je suis n'attend pas de discours agités de quelque primat ou épiscope. J'attends - un peu comme ici - une réflexion exigeante, un commentaire évangélique des faits, gestes et paroles de Jésus le Christ. Réflexions et commentaires venant de quelqu'un qui a pris plus de temps que je n'ai pu le faire pour étudier, lire, relire, approfondir et - je le lui souhaite - vivre ces textes. Poursuivez, PR ! Merci.
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