L’année de la miséricorde touche à sa fin. Dans quelques
jours se refermeront les portes saintes. Au même moment s’ouvre une année de
commémoration des cinq cents ans de la Réforme luthérienne.
Martin Luther était moine augustin. C’est un homme qui prend
au sérieux sa foi. Il entre contre le souhait de son père au monastère et
cherche à vivre en homme parfait. C’est une impasse. Le péché est tapi à la
porte, c’est au-dessus de nos forces d’être saints. Le Dieu vengeur, justicier
menace. Les œuvres de Jérôme Bosch, exposées récemment à Madrid, illustrent le
sentiment des contemporains. Une lutte entre le bien et le mal, entre l’ascèse
et les délices, entre la vie et la mort. Depuis un siècle, les calamités se
multiplient, peste, famines, guerres. Ce que nous appelons aujourd’hui le Moyen-Age
se termine mal. Aux beaux Christ romans, paisibles, qui font de la croix un
trône, succèdent les crucifiés torturés, comme celui d’Issenheim.
Dans ce contexte Luther appelle à l’aide celui qui lui
montrera un Dieu de miséricorde. L’homme ne peut être saint ni échapper au mal
par lui-même. La morale, et heureusement, condamne le mal que l’on commet, mais
qui nous sortira de ce mal ? Si l’Eglise se contente de condamner le mal, ce qui
est déjà une manière de luter contre lui, elle n’a pas encore ouvert à l’homme
une espérance. Qui me montrera un Dieu de miséricorde ?
Cinq cents ans plus tard, on a autant de mal à annoncer la
miséricorde, davantage porté que l’on est à condamner. Cinq cents ans plus
tard, l’appel à la sainteté est toujours aussi nécessaire. Comment y parvenir ?
Comment y aspirer pour que cela ne soit pas en vain.
La grande découverte de Luther, en lisant les Ecritures,
Paul en particulier, c’est que l’homme n’est pas saint. Il reste pécheur. La
sainteté n’est pas notre fait. Même saint on demeure pécheur. Ce sont les pécheurs qui sont habités par la sainteté de Dieu. Simul pecator et justus.
La sainteté ne peut être confondue avec la perfection morale. Elle est un don de Dieu. Seule la grâce apporte la vie, pas nos œuvres, ce que nous faisons de bien. Le 31 octobre 1999, la déclaration luthéro-catholique sur la justification (ce qui rend juste, c’est-à-dire, ce qui rend saint) permet de venir à un accord. Les raisons de la séparation de 1521 (l’excommunication de Luther), ne sont plus aujourd’hui l’objet d’une dissension. Aujourd’hui, catholiques et luthériens, rejoint par les méthodistes, reconnaissent que la sainteté se reçoit de Dieu et se reçoit seulement.
La sainteté ne peut être confondue avec la perfection morale. Elle est un don de Dieu. Seule la grâce apporte la vie, pas nos œuvres, ce que nous faisons de bien. Le 31 octobre 1999, la déclaration luthéro-catholique sur la justification (ce qui rend juste, c’est-à-dire, ce qui rend saint) permet de venir à un accord. Les raisons de la séparation de 1521 (l’excommunication de Luther), ne sont plus aujourd’hui l’objet d’une dissension. Aujourd’hui, catholiques et luthériens, rejoint par les méthodistes, reconnaissent que la sainteté se reçoit de Dieu et se reçoit seulement.
Luther avait raison. Oui, Dieu seul rend saint
parce que Dieu seul est saint. La sainteté n’est pas ce que je fais de bien. Je
demeure un pécheur, même sanctifié par la foi. La sainteté est ce que Dieu fait en moi par sa grâce, la
sainteté est la vie que je tâche d’accueillir, en me laissant convertir à la bonté, au service de la vie des frères. Ce n’est plus moi qui vis, écrit Paul, c’est le Christ qui vit en moi. Ou
encore, pour moi, vivre, c’est le Christ.
Tout ce que vous avez faits à l’un de ces
petits qui sont les miens, que vous le sachiez ou non, c’est à moi que vous l’avez fait.
C’est justement parce que Dieu seul est saint et que la
sainteté est ce qu’il offre lorsqu’il s’offre ; que Dieu seul est la vie pleine,
en abondance, qui n’existe qu’à s’offrir ; parce que Dieu, quand il donne,
se donne lui ; parce que c’est son dessein d’ainsi se partager, que nous
pouvons fêter tous les saints, tous les élus, ceux qui se sont laissés
transformer à l’image de Dieu pour la vie qu’ils ont accueillie, sachant ou non
qui la leur donnait.
La sainteté n’est pas la perfection. C’est même plutôt le
contraire. Les parfaits n’attendent pas grand-chose des autres. En ce sens, le
contraire de la sainteté, ce n’est pas le vice, mais la vertu. Et vous
comprenez les invectives de Jésus contre les pharisiens, et pourquoi Jésus déclare
que les prostitués et les pécheurs sont les premiers dans le Royaume. Non que
leur péché soit un laissez-passer, mais que pécheurs à ce point, c’est sûr qu’ils
ne peuvent que compter sur Dieu et les autres pour aller à la vie, la vie en
abondance.
La sainteté, ce n’est rien autre en effet que la vie, la vie
en abondance. Non l’étroitesse de certains vertueux, qui vivent petits pour
moins risquer de se laisser aller à la tentation. La sainteté, c’est Dieu
lui-même et sa hauteur qui est sans hauteur, sa largeur et sa profondeur. La
sainteté, c’est la vie même de Dieu. La sainteté, c’est Dieu lui-même. Et l’on
ne dit pas que Dieu est vertueux ou qu’il a des valeurs. On dit de Dieu qu’il
emplit l’univers, qu’il est la vie, source de la vie, profusion de vie, créateur.
Fêter la Toussaint, c’est assurément confesser le Dieu de
miséricorde capable de transformer nos petitesses, étroitesses et nos fautes en
largeur, largeur de sa vie à lui, sans largeur. Fêter la Toussaint, c’est confesser la miséricorde de Dieu qui fait de chacun de nous un
être capable de la vie, la vie en abondance, celle de Dieu même.
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