C’est très dangereux d’imaginer ce que sera la résurrection.
Cela conduit aux pires âneries, ainsi, cette histoire insensée de l’évangile (Lc
20, 27-38).
Si la résurrection est vie après la mort sur le modèle de
cette vie, simple continuation, on pourrait de fait avoir sept conjoints. On
pourrait continuer comme si la mort n’était pas. On pourrait s’embêter dans une
éternité sans fin ou écouter du Mozart. La destinée humaine serait bien étroite
si elle se résumait à écouter son musicien préféré !
J’entends souvent dire lors de funérailles, qu’on se
retrouvera, qu’on va continuer. Mais qu’en sait-on ? J’espère bien que la
résurrection ce n’est pas retrouver de la même manière ceux que l’on aime.
Qu’en sera-t-il de ceux que l’on n’aime pas ? Et si c’est pour en
reprendre pour une éternité de cette vie, qui n’est pas toujours super, quel
intérêt, à part un peu de consolation, immédiate, à bon compte, à compte
d’illusion gratuite !
Thomas d’Aquin, dit-on, pensait que les corps glorieux
étaient sphériques, volumes parfaits. Au moins marquait-il un changement, une
rupture. Son embonpoint légendaire le préparait déjà à vivre en boule ! « Vous
vous égarez complètement ! » (comme dit la version de Marc). Nous
faisons de la résurrection la vie après la mort. Or la résurrection, c’est la
vie ici et maintenant, déjà commencée, c’est la vie avec Dieu.
« Alors
que nous étions morts par suite de nos fautes, Dieu nous a fait revivre avec le
Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés ! ‑ ; avec
lui il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. »
(Ep 2, 5-6)
« Ensevelis
avec le Christ lors du baptême, vous en êtes aussi ressuscités avec lui, parce
que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts. » (Col
2, 12)
« Du
moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en
haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. » (Col 3,1)
« Dans cette existence de chaque jour que nous recevons
de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée. » (6ème préface
des dimanches ordinaires)
Dans tous ces textes, la vie éternelle, ce que l’on appelle
résurrection, a sens ici et maintenant, et non après la mort, ou si elle a sens
après la mort, c’est parce que déjà, nous sommes ressuscités avec le Christ.
La résurrection n’est non plus un truc à savoir, une théorie
pour expliquer l’inexplicable. C’est une vie qui se laisse mener par l’Esprit, ce
que l’on appelle la vie spirituelle, une vie déroutée à se comprendre envahie
par Dieu. Projeter la résurrection après la mort est la meilleure manière de se
dispenser de vivre pour de bon avec Dieu aujourd’hui, de vivre en paix avec les
frères aujourd’hui, de participer aujourd’hui à faire de ce monde un paradis.
Que l’on commence donc à croire ici et maintenant à la
puissance de la résurrection, et cela changera notre manière d’habiter le
monde, de vivre, et cela changera notre manière de penser la vie après la mort.
Vivre aujourd’hui de la vie de Dieu, c’est se recevoir de lui, c’est comprendre
notre existence comme un appel qu’il nous lance, une vocation, c’est tâcher de
vivre en frères avec tous puisqu’il est le père de tous, c’est vivre selon l’Esprit
de sainteté.
Il est le Dieu des vivants, non seulement Abraham, Isaac et
Jacob, mais de nous tous, même ceux qui sont sur le point de mourir, fauchés
par une bombe ou un accident de la route, ou agonisant longuement. C’est
d’ailleurs pour cela que nous tentons d’être vivants jusqu’au bout, de soutenir
vivants jusqu’au bout ceux que la dépendance a rejoint. Parce que leur vie est
déjà éternelle, est déjà celle de Dieu.
C’est parce que aujourd’hui nous avons reçu la grâce
d’entendre Dieu nous appeler ses amis, que rien, pas même la mort, ne pourra
nous séparer de lui. Il me semble que pour ceux qui ne se savent pas amis du
Seigneur, pour ceux pour qui ces mots n’ont pas de sens, la résurrection ne
peut être que folie, mythe ou superstition. La vie n’a pas de sens comme un
demain, comme un demain seulement. Et parmi les chrétiens, s’il en est tant qui
ne croient pas en la résurrection, c’est parce qu’elle leur apparaît folie,
mythe ou superstition, parce que bien que se disant chrétiens, ils ignorent
tout de l’amitié que Dieu nous offre.
Si ici et maintenant nous sommes amis de Dieu, la mort,
aussi cruelle, insensée qu’elle soit, (elle est parfois aussi délivrance, paix
et repos), ne peut pas être un terme. C’est encore Paul : « Que dire
après cela ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? […] Qui nous
séparera de l’amour du Christ ? la tribulation, l'angoisse, la persécution, la
faim, la nudité, les périls, le glaive ? […] Mais en tout cela nous sommes les
grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni mort
ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni
hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour
de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8, 31-39)
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