Le 31
octobre, François, lointain successeur de Léon X, le pape qui excommunia Luther
en 1521, était en Suède pour participer à l’ouverture de l’année de
commémoration de la Réforme, dont on date le premier acte au 31 octobre 1517.
On ne sait si les fameuses 95 thèses contre les indulgences ont été placardées ce
jour-là sur les portes de l’église de Wittenberg. Ce qui est certain, c’est
qu’elles accompagnaient une lettre à l’archevêque de Mayence, dans laquelle
Luther demandait une dispute universitaire pour laquelle ces thèses pouvaient
servir de point de départ.
Que
Luthériens et Catholiques commémorent ensemble l’événement n’a rien d’évident. Les
Protestants sont plein de reconnaissance vis-à-vis de la pensée et l’œuvre de
Martin Luther. Ils ne se réjouissent cependant pas plus que les Catholiques de
voir l’Eglise durablement divisée. Ces derniers, par la bouche de Benoît XVI, reconnaissent
l’authenticité de la vie chrétienne de Martin Luther :
« Ce
qui l’a animé, c’était la question de Dieu, qui fut la passion profonde et le
ressort de sa vie et de son itinéraire tout entier. "Comment puis-je avoir
un Dieu miséricordieux ?" […] Qui se préoccupe aujourd’hui de cela,
même parmi les chrétiens ? […] La plus grande partie des gens, même des
chrétiens, tient aujourd’hui pour acquis que Dieu, en dernière analyse, ne
s’occupe plus de nos péchés et de nos vertus. […] Mais nos fautes sont-elles
vraiment si petites ? Le monde n’est-il pas dévasté à cause de la corruption
des grands, mais aussi à cause de celle des petits, qui pensent seulement à
leurs propres intérêts ? […] La faim et la pauvreté pourraient-elles
dévaster autant de parties entières du monde si, en nous, l’amour de Dieu et, à
partir de Lui, l’amour pour le prochain, pour les créatures de Dieu, les
hommes, étaient plus vivants ? Les questions en ce sens pourraient
continuer. Non, le mal n’est pas une bagatelle. […] Dieu, le Dieu unique, le
Créateur du ciel et de la terre, est quelque chose d’autre qu’une hypothèse
philosophique sur les origines du cosmos. Ce Dieu a un visage et il nous a
parlé. Dans l’homme Jésus Christ, il est devenu l’un de nous ‑ à la fois
vrai Dieu et vrai homme. La pensée de Luther, sa spiritualité tout entière
était complètement christocentrique. (Discours
à Erfurt, sept 2011)
« Ce
qui nous unit est beaucoup plus que ce qui nous sépare » (François,
Malmö) : notre attachement au Christ, un même baptême, une même
mission reçue du Seigneur de porter l’évangile par l’écoute de la parole et le
service des hommes, à commencer par les plus pauvres. Les anathèmes du XVIème
siècle ne sont plus d’actualité comme le dit la déclaration commune sur la
justification, signée un 31 octobre, en 1999, aussi acceptée par les Méthodistes.
Pour
préparer le cinquième centenaire des débuts de la Réforme, Catholiques et
Protestants ont voulu écrire ensemble l’histoire de la séparation et de ce que
les uns et les autres en avaient fait, Du
conflit à la communion.
L’enjeu est
de taille. 500 ans après la séparation, il n’est que temps de vivre en frères
pour témoigner de notre foi au même Seigneur Jésus. Mais en sommes-nous
seulement convaincus ? Il est temps de vivre comme un scandale et une
blessure douloureuse notre impossibilité de partager le pain de la communion
eucharistique. Ce qui bloque aujourd’hui, ce sont les questions d’organisation
de l’Eglise, des questions de pouvoir (sacramentel, ecclésial, politique) ;
quelle misère, quelle honte !
Une même foi s’exprime selon des traditions différentes et
légitimes pour peu qu’elles soient hospitalières les unes pour les autres. Au
terme de l’année de la miséricorde, c’est à un nouveau geste de réconciliation,
une nouvelle conversion, que nous sommes invités.
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