Un nouveau
carême pour se préparer à célébrer une nouvelle fois la Pâque du Seigneur.
C’est curieux, cette nécessité de reprendre toujours le chemin de conversion.
Nous ne serions donc pas encore donnés à celui en qui pourtant nous prétendons
avoir mis notre foi ? Ou bien la naissance à la vie nouvelle est-elle de chaque
jour comme la fidélité qu’exige chaque instant et ne se décide pas une fois
pour toute ?
Ou bien,
serions-nous passés à côté de la conversion jusqu’à présent, non pour le
vouloir, mais en ratant la cible ? (Rater la cible, c’est l’étymologie de
pécher.) Nous avons appris, nous transmettons, que se convertir, spécialement
pendant le carême, est une question d’efforts, de sacrifices. Mais pourquoi faudrait-il
que la conversion coutât ? Pourquoi, pour le moins, faudrait-il la définir
d’abord par le fait qu’on devrait en baver ?
Et si cette
stratégie du sacrifice, disait justement notre manque de conversion, si la
stratégie de l’effort consistait à éviter le véritable enjeu, tout en se
persuadant du contraire. Ce serait terrible, ce serait l’erreur canonisée par
le mensonge ; mais comment le mensonge sanctifierait-il ? L’opposition
évangélique, décidée et toujours plus violente, à l’hypocrisie religieuse
représentée par les pharisiens, dénonce cette logique de mort. Me privant de
ceci ou cela, je me garderais de revenir au Seigneur, de me retourner vers le
Seigneur, tout en me convainquant du contraire.
Qu’ai-je à
changer dans ma vie pour suivre encore Jésus ? Ce n’est pas tant à moi de
le décider. Il suffit d’ouvrir les yeux dans le miroir que nous tendent les
frères. Ce que nous supportons le moins en eux est ce que nous détestons en
nous, ce qui nous renvoie à nos propres limites, à ce qui nous insupporte, nous
agresse. C’est là qu’il convient d’accueillir le salut de Dieu. C’est là qu’il
convient de se laisser réconcilier par Dieu. On ne convertit le pécheur qu’à
l’aimer, à commencer par nous-mêmes. Comment aimerai-je l’ennemi qui est en moi
pour lui annoncer la libération ? Et si je continue à le haïr, comment
aimerais-je mon prochain comme moi-même ?
Se
convertir, c’est consentir à au regard d’amour et de guérison que le Seigneur pose
sur nos ténèbres, sur nos plaies, comme on le voit faire dans l’évangile, avec
les aveugles et tous les malades qu’il ne cesse de relever, de ressusciter. Vivants,
nous aurons soin des vivants, spécialement de ceux qui sont au bord de la mort,
physique ou sociale, moribonds, et l’obscurité même sera comme le plein midi. La
conversion est douceur lumineuse.
« Est-ce là le jeûne qui me
plaît, le jour où l’homme se mortifie ? Courber la tête comme un jonc, se
faire une couche de sac et de cendre, est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un
jour agréable au Seigneur ? N’est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je
préfère : défaire les chaînes injustes, délier les liens du joug, renvoyer
libres les opprimés, et briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton
pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme
nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? […]
Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et l’obscurité sera pour toi comme le
milieu du jour. » (Is 58, 5-7, 10)
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