Il vit et il crut (Jn 20, 1-9). Mais que vit-il ? Rien.
Le tombeau est vide.
La Pâque ne consiste pas à recommencer comme avant. La
résurrection ne consiste pas à recommencer comme avant. Il ne pourra jamais y
avoir d’idolâtrie chez les disciples de Jésus, ou alors c’est qu’ils auront
trahi l’évangile de Pâques.
Le tombeau est vide, et nous restons pires que ceux qui pleurent
auprès du corps de l’aimé. Nous n’avons même plus le corps. Il n’y a plus rien
de Jésus, en dehors de la communauté de ses disciples et ce qu’elle a produit
au long des siècles, surtout les Ecritures de la nouvelle alliance et l’immense
chaîne de charité, traces où se devine la vie du maître.
Nous avons tous connu le décès d’un proche. Nous savons tous
ce qu’est la fin. Tout à l’heure encore, même inconscient, son corps pouvait
être embrassé, caressé. Maintenant, c’est le froid du cadavre. Le masque de la
mort rend méconnaissable celui que pourtant nous avons toujours connus. C’est
fini. Vient l’heure de la fermeture du cercueil. C’est fini. Jamais plus nous
ne verrons son visage. Puis l’incinération ou l’inhumation, et il nous reste
encore moins. On sait, en rentrant du cimentière, que c’est fini.
Avec Jésus, c’est pareil. Il n’y a rien. Il ne peut rien y
avoir, condition pour que le monde qu’il inaugure soit vraiment nouveau. Si
tout recommence en Jésus Christ, rien ne recommence comme avant.
C’est si difficile à vivre que très vite, on s’est rattaché
à des reliques. Mais de Jésus, le récit du tombeau vide interdisait qu’il y en
eût. Il fallu attendre longtemps pour que des restes de la vraie croix, de la
couronne d’épines ou le suaire apparaissent. Ceux qui veulent pourtant y
reconnaître la réalité historique ne peuvent pas en faire le cœur de la foi, ce
que cela devrait être, si vraiment c’était des restes de Jésus. Mais ce qui reste
de Jésus, c’est son corps, c’est la communauté de ses disciples, prémices de l’humanité
nouvelle. Encore faut-il voir !
C’est difficile à vivre. Et ils sont nombreux à le savoir,
même si l’Eglise mondaine fait croire autrement. Jésus serait présent, là,
jubilez, criez de joie ! Plaisanterie pour divertir le bourgeois, lui offrir
un peu de merveilleux et de douceur dans ce monde si agressif et froid de la
violence et des techniques. Nous ne goûtons guère l’art autrement que comme un
produit de consommation. Alors, il ne nous reste plus que l’illusion religieuse
pour nous consoler.
C’est difficile à vivre. Jean de la Croix interroge : « Où
t’es-tu donc caché, bien-aimé, et m’as-tu laissé à gémir ». Il sait qu’il
n’y aura plus de paroles de Jésus, de révélations surnaturelles, miracles,
apparitions, parce que Dieu a tout dit en son Fils et qu’il n’a plus rien à
dire, parce que Dieu a tout donné, lui-même. Mais c’est trop difficile. On dit
que la religion populaire a besoin de signes. C’est plutôt que le religieux
rapporte trop, en termes d’argent et de pouvoir, pour que l’on détourne les
gens des dévotions obvies.
C’est difficile à vivre, mais le tombeau est vide et doit le
rester, si nous voulons demeurer fidèles à l’annonce du matin pascal. Quoi qu’il
en soit des débordements de religiosité, l’Eglise n’a pu effacer ce drame du
vide.
Il vit et il crut. Et que crut-il ? Sa parole donnait
la parole aux disciples. Sa parole donnait la parole à ceux qui en étaient
privés. Sa parole s’emparait des disciples, pour autant qu’ils étaient du côté
des méprisés, défigurés, comptés pour rien. Non seulement sa parole, mais aussi
son souffle. Jésus n’est plus là. Le tombeau demeure vide. Jésus est absent, c’est
ce que dit Jean : « Où t’es-tu donc caché, bien-aimé, et m’as-tu laissé
à gémir ». Mais Jean parle encore à son bien-aimé. Jean ne constate pas l’absence
de Jésus, il le prie et crie : « Où t’es-tu donc caché, bien-aimé, et
m’as-tu laissé à gémir ».
Il vit et il crut la communauté de son corps. Il y a un
monde, des frères, à relever comme le maître l’avait fait. « Confiance, ma
fille, ta foi t’a sauvée ! » Voilà ce que l’humanité doit entendre. Voilà
notre mission. La résurrection de Jésus n’est pas tant ce qui arrive à Jésus,
dont l’évangile ne veut rien dire et scelle définitivement le sort par le vide
du tombeau, que ce qui nous arrive, à nous disciples. Nous croyons, c’est-à-dire,
que nous sommes envoyés, membres de son corps, habités par le souffle et la
parole, pour relever, avec les hommes et les femmes de bonne volonté, tous ceux
que le mal tient encore sous sa coupe.
Nous avons vu et nous avons cru. Le corps du Christ est
encore au chevet de l’humanité et la rend à la vie. Christ est ressuscité,
Christ est vraiment ressuscité !
En février : 50 commentaires à propos du curé lyonnais, sexy, musico dzim boum boum, ci-devant adulé par le Primat des Gaules et maintenant marié depuis le Samedi Saint.
RépondreSupprimerDu mercredi des Cendres jusqu'à Pâques des textes forts et souvent dérangeants de Patrick : et là plus rien, aucun commentaire... Sans doute parce que ce qu'il dit ou écrit va totalement de soi.
Personnellement je n'ai pas non plus commenté. Il faut dire que le message du rabbi Jésus est tellement exigeant et bouleversant que je n'ose plus ni me croire ni me dire chrétien. D'autant que tellement le font et le "manifestent pour tous" sans hésitation, sans pudeur, sans honte ni même "sens commun". Je préfère donc m'effacer.