S’exposer au texte de la passion, pas si long somme toute,
crée un effet que ne remplace ni la connaissance du texte, ni la lecture d’extraits.
Le texte est sobre, n’en rajoute pas à la violence ni ne cède au spectacle violent
ou sanguinolent. Il demeure à la fois engagé aux côtés de Jésus, comme l’aimé,
et distant, sans haine aucune pour les bourreaux et les juges iniques. Il nous
mène au cœur de la bassesse humaine, que nous reconnaissons si bien, et dans le
même temps nous ouvre à un cri, que le juste vive !
Le livre se referme comme le tombeau, sur la mort, la fin,
et la déréliction des compagnons disciples, traitres eux aussi, nous aussi. C’est
à la fois le drame du Golgotha et celui, sans cesse répété, de la violence et
des injustices dégradantes. La victime de l’injustice fait honte, plus que le
vainqueur sanguinaire. Le mal isole et l’injustice condamne au mépris. O nuits
de solitude, o soirs de l’abandon…
Nous savons
cela. Les victimes de crimes sexuels, pédophilie ou viols, sont et détruits et
humiliés. Qui veut les écouter ? L’honneur d’une famille, d’une
institution, de l’Eglise vaut mieux que leur vie.
Nous savons
cela. Les victimes des attentats, ces derniers jours à Londres, Saint Petersburg,
Alexandrie et Tanta, allongent la liste sinistre qui met le monde à feu et font
des religions des sentiers qui légitiment la haine. Face à l’idéologie et au
crime, qu’est leur vie ?
Nous savons
cela. Les migrants rejetés, bons à n’être qu’un argument électoral, pour
attiser les peurs et l’exclusion. Mais qu’est la vie d’un pauvre ?
Nous savons
cela. La politique au service des puissants, coup d’état de l’argent, soutenu
par les plus pauvres, et tyrannie dictatoriale, en Turquie, en Russie, en Tchétchénie
et autres pays de l’Est ou anciennement soviétiques, en Afrique… Qu’est la vie
des peuples ?
Nous le
savons. Les victimes des guerres, armes conventionnelles ou chimiques, peuples
affamés par leurs responsables politiques. Qu’est la vie d’enfants quand il s’agit
de gagner un peu plus d’argent ou de ne pas en perdre, qu’est la vie d’autrui
quand il s’agit de garder le pouvoir ?
Nous le savons. Les victimes de la méchanceté sont légion, harcèlement
scolaire ou destruction entêtée de l’autre, ex-conjoints, voisins, querelles de
famille, au travail, dans l’Eglise, faits divers qui renouvellent la une des
journaux, turpitudes vaticanes, conflits ordinaires, luttes aussi acharnées que
mesquines. Devant la haine, que vaut la vie ?
Le mal est banal. La lecture de la passion, par la
description d’un mal, la souffrance et la mort du juste persécuté, nous empêche
de détourner le regard et nous montre ce que nous faisons, le gouffre de
l'horreur. Qu’un cri au moins nous déchire la gorge ! Nous restons là, le
cadavre de Jésus sur les bras, que nous oserons baiser dans un instant. Qu’il
nous donne de savoir prendre soin de la dépouille de nos frères, ou de leur vie
s’il est encore temps.
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