Parlons sérieusement. Assez des enfantillages. Les efforts de carême. Quelle foutaise ! Qui s’est déjà converti à ne pas manger de chocolat, à arrêter de fumer ou de boire ? Et pendant ce temps, rien ne change de notre comportement, de nos petites manies qui agacent tant les autres. Que santé et salut soient parfois synonymes ne fait pas qu’un bon régime ou l’abstinence soient une question de sainteté.
Alors, si vous voulez bien, nous allons prendre ces quarante jours comme un grand élan pour fêter la Pâque. Nous allons patiemment installer dans nos vies une tension, une attente, pour la délivrance pascale. A défaut de changer de vie, nous aurons au moins fait que nos vies soient polarisées par la Pâque. Nous fêterons notre libération, le salut, comme une étape de la lutte contre le mal.
C’est là que débarquent les petits trucs. Comment pourraient-ils ne pas revenir ? C’est notre contingence. Alors, pourquoi pas, s’ils ne sont pas des buts, en soi, mais des moyens, considérés comme tels. Comment ferons-nous pour installer cette tension pascale ?
Le mal ne manque pas dans nos vies et autour de nous. L’offensive en Ukraine l’illustre à l’envi. Et ne soyons pas de mauvaise foi. Il y a un agresseur, mais il n'y a pas le camp des gentils duquel bien sûr nous serions. Pour chercher la paix, ou la réconciliation, ou au moins le dialogue diplomatique, encore faut-il accepter de reconnaître que nous n’avons pas les mains propres.
Le conflit russo-ukrainien pas plus que les autres qui durent depuis si longtemps ‑ en RDC, au Soudan, au Congo, au Yémen, l’injustice et l’insécurité en Haïti, la pauvreté à Madagascar, les violences contre les Ouïghours, la dictature en Birmanie, les tensions au Venezuela, à Taïwan et au Sahel, entre l’Inde et le Pakistan, l’Inde et la Chine, le Tibet, etc., ‑ ces conflits ne sont au cœur de nos vies. Ce n’est pas une raison pour les oublier et le travail du CCFD et de tant d’autres nous y aide.
Mais enfin, comment, ici, dans notre société, notre Eglise, notre communauté, semer la paix ? Et si chaque fois que l’embrouille pointait le bout de son nez, nous pensions à Pâques. Presque comme un mantra, une formule magique. Vous allez dire que ça fait païen. Mais quand je vois la prégnance de la religion archaïque dans nos pratiques, on ne va pas jouer les pharisiens !
La Pâque que nous célébrerons dans un peu plus de quarante jours, un mantra pour la paix, une formule pour exorciser la bête tapie à notre porte. Je sens la tension monter : Pâques. Je sens la colère ou l’injure surgir : Pâques. Je suis agressé, pris dans la violence de l’autre que j’ai peut-être, même sans le vouloir, suscitée : Pâques.
Voulez-vous que chaque jour, nous évoquions la Pâque. Non pas en parler, non pas y penser, mais s’y attacher, s’y lier dans la difficulté, lorsque le mal se présente et qu’il vaudrait mieux lutter que céder.
Il se pourrait que ce recourt peu orthodoxe à la Pâque nous convertisse. Nous n’allons pas pouvoir évoquer la Pâque et ne rien changer à nos vies bien longtemps. Si nous pensons à Pâques une fois par jour, car une fois par jour au moins, nous sommes avec le mal sous les yeux, si c’est la fidélité de Jésus à l’amour du Père pour l’humanité qui nous accompagne, que nous convoquons chaque jour, au lieu du mal, il y a fort à parier, que sans effort de carême, nous aurons laissé la Pâque nous convertir.
Ce à quoi je nous invite est une pratique, non des déclarations. Et cependant, l’effort ne sera pas un truc à faire, comme si l’attention aux frères, le partage et l’amour, la prière, étaient des trucs à faire. L’effort ne sera pas un truc à faire, mais de penser devant le mal à la paix de la Pâque. « Je vous donne la paix, je vous laisse ma paix. »
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