28/06/2024

Comment Jésus rend-il à la vie ? Mc 5 21-43 (13ème dimanche du temps)

 

 


Que Jésus ait des talents de thaumaturge, cela est un fait attesté très anciennement, quand bien même Paul, premier auteur chrétien, n’en dit pas un mot. Paul ne parle ni des miracles, ni des paraboles, qui a bien des égards fonctionnent de la même manière.

Avec une page d’évangile où deux miracles sont imbriqués l’un dans l’autre (Mc 5, 21-43) une sorte de miracle redoublé, au carré, nous sommes servis ! Allons-nous les gober et admirer l’homme extraordinaire, superman, qu’est Jésus ? Nous passerions à côté de l’évangile, nous raconterions l’histoire sainte, naïvement, au premier degré, et passerions à côté de l’évangile qui nous sait capable de plus de finesse.

Il serait anachronique de définir le miracle comme un acte qui défie les lois de la nature, alors que lesdites lois n’existent pas au 1er siècle. Dans un univers cohérent, où tout se tient, où le divin cohabite avec l’humain, ou inversement plutôt, le miracle n’est pas une violation des lois de la nature, quand bien même il suscite l’admiration ou étonnement, l’enthousiasme ou le scandale. Lorsque Moïse jette son bâton qui se fait serpent, les hommes de Pharaon en font autant. C’est assurément extraordinaire, mais pas impensable, ni la preuve de la divinité.

Ainsi donc, ne nous importera pas de savoir ce qui s’est passé avec cette jeune fille et cette femme mure. L’évangile ne nous donne d’ailleurs pas les moyens. Il s’en moque, ce n’est pas son problème. Nous importera de décrypter ce que ces rencontres, imbriquée l’une dans l’autre, et les deux dans un passage plus vaste, disent de Jésus et de ce que signifie suivre Jésus.

La mer a été traversée, juste avant, non sans rappeler la geste mosaïque. Les porcs ont été engloutis comme l’armée de Pharaon. La peur qui lie le peuple est dissoute, les deux femmes déliées. La vie à travers elles, l’une pas encore nubile, l’autre avec des flux de sang, est enchaînée ; la possibilité de donner la vie est atteinte, éteinte. La foi est reconnue et sauve : Ma fille, ta foi t’a sauvée. Sois sans crainte, aie seulement la foi ! Le passage de la mer est passage de la non-foi, les récriminations, à la foi, la reconnaissance de ce que le Seigneur fait.

Ne retombons pas dans la magie miraculeuse, comme si d’avoir la foi d’échapper au pire. Ou alors pas grand monde n’a la foi parmi nous, ni dans l’Eglise !

 Ce que Jésus institue comme relation avec ceux qu’il rencontre, et nous à leur suite, établit une fraternité qui renouvelle la face de la terre, est advenue des cieux nouveaux et de la terre nouvelle. Une femme impure, et certes un chef de synagogue, mais marqué par le mal qui isole, qui dénonce une faute ‑ la mort isole, exclut ; ce que Jésus vit avec eux, aux marges, réintègre ceux que les lois ou la nature avaient excluent.

La fraternité est vie. On ne va pas tant aux funérailles pour rendre hommage à un défunt, mais pour le réconfort, voire la joie, d’embrasser les vivants. La présence auprès des endeuillés ne ramène pas le mort, mais ramène de la mort, réintroduit ceux que la mort a touchés par la disparition de leur sang, dans le cercle des vivants. C’est une question de foi. Non qu’il y ait des trucs curieux à croire, mais que sous prétexte qu’il faut rendre hommage au défunt, on ne voit pas le bien que l’on pourrait se faire, se rendre à la vie.

Les parents de la jeune fille sont entourés, comme la femme aux flux de sang. Ils le sont de trop, fort mal. Un entourage qui tue, qui laisse dans la mort. Les disciples ne comprennent pas la question de Jésus, les pleureurs se moquent de lui. Il est des entourages qui étouffent, la foule et la bienséance des hommages funèbres, des rites et traditions, des coutumes.

Jésus n’est cependant pas seul avec ces deux femmes ‑ l’humanité de l’enfance à la porte de la mort ‑, il introduit dans l’humanité nouvelle, la fraternité, quelques disciples, des parents.

La foi rend visible, tangible, la fraternité et ainsi la vie renaît. C’est aussi simple que de s’accrocher à un pan de manteau ou de crier son désespoir quand la mort, irréversible, frappe ! Ni Jaïre ni la femme au sang ne récitent de credo. Ils ont seulement cru, ils ont seulement laissé quelqu’un entrer dans leur vie, avec ses frères.

Comme au début de l’évangile, au bord du lac déjà, ici, en ce chapitre de traversée de la mer, Jésus passe, et l’humanité est fraternité ; Jésus passe, c’est ce que l’on appelle résurrection.

 

 

1266, The Passage of the Red Sea, Jerusalem, Armenian Patriarchate Library,

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