Préparation baptême. Lecture de la parabole de fils prodigue
(Lc 15). Une parabole qui, si elle parle du pardon, n’emploie pas le mot. Une
parabole qui répète par deux fois, deux phrases. Sans doute, ces phrases que le
texte répète, méritent-elles que l’on s’y arrête. La première (v. 18-19),
dans sa reprise (v. 21) est amputée, comme si elle était inaudible, comme
s’il ne fallait justement pas la dire et encore moins la répéter.
La seconde est non seulement quasiment répétée une troisième
fois lorsque le serviteur explique que la musique et la fête sont le fait du
retour du frère que le père a retrouvé en bonne santé (v. 27), mais elle est encore
déclinée, conjuguée, adaptée à la situation. Mon fils que voilà était perdu et il est retrouvé, il était mort et il
est vivant (v. 24). Ton frère que
voilà était perdu et il est retrouvé, il était mort et il est vivant
(v. 32).
La parabole du fils prodigue, et l’évangéliste nous le
souligne en répétant le propos, parle de passage de la mort à la vie, ce que
l’on appelle résurrection. La parabole du fils prodigue est une parabole de la
résurrection.
Mais quel rapport entre la résurrection et le baptême ?
Entrer dans la famille des chrétiens, comme l’on dit, en quoi est-ce une
histoire de résurrection ? Ne dit-on pas que la résurrection c’est après
la mort, au dernier jour, alors que dans le baptême, ce sont souvent des bébés
qui sont concernés, et de toute façon plus que rarement des gens qui vont
mourir dans la minute.
Reprenons la réflexion des parents de la préparation baptême
et tâchons de poser la question pour nous-mêmes : en quoi notre baptême
concerne notre résurrection ? Autrement dit, que signifierait que nous
sommes ressuscités puisque nous avons été baptisés ? La question trouve sa
formulation quasi littéralement dans les Ecritures : « Ensevelis avec le Christ lors du baptême, en lui vous êtes aussi
ressuscités avec lui, parce que vous avez cru en la force de Dieu qui l’a
ressuscité des morts. » (Col 2,12)
Le texte n’est pas très commode à traduire et du coup
à comprendre. En lui vous êtes
ressuscités. Que désigne ce en lui ?
Est-on ressuscité aussi dans le baptême comme on avait été enseveli en lui, ou est-on ressuscité en Christ ? Par ailleurs, le verbe
ressusciter ici employé est « ressusciter avec », sans que soit précisé
avec qui. En lui, nous sommes
co-ressuscités. Voilà une traduction littérale qui ne permet pas de réduire
l’alternative, et qui en ouvre plutôt une seconde, co-ressuscités avec,
c’est-à-dire, ressuscités avec le Christ, ou ressuscités avec tous les autres,
ressuscités ensemble, parce que l’on ne ressusciterait pas individuellement,
mais comme le corps du Ressuscité. Laissons-là ces indécisions pourtant
fertiles, et revenons à notre question. Qu’est-ce que cela signifie que
d’affirmer que baptisés, nous sommes ressuscités, nous sommes déjà
ressuscités ?
Avons-nous déjà été morts pour pouvoir être
ressuscités ? Sans aucun doute et le fils de la parabole, bien que jamais
cadavre, à mourir de faim, à s’être éloigné du père dans une vie vaine (asôtôs), en dehors de toute issue, dans
une vie futile, est bel et bien mort quoique non décédé. Le fils aîné, resté au
champ, qui refuse d’entrer dans la salle de la fête, est dans le même cas,
mort, bien loin de vivre avec le père malgré les apparences.
Nous sommes morts avant que d’être nés, avant que
d’être vivants. Contrairement à ce que, à juste titre, l’observation indique,
nous avons d’abord été morts, pour le dire avec la parabole, nous avons d’abord
été loin du père, géographiquement ou idéologiquement. Loin de la source de la
vie, comment pourrions-nous être autrement que morts ? Je ne parle pas
forcément ici de péché, pas plus que la parabole. Je ne l’exclus pas non plus,
comme la parabole.
Ainsi, et de manière paradoxale, l’homme peut très
bien vivre mort. Il peut très bien vivre loin du père. Et la parabole connaît
deux formes de cette mort, celle de la vie hors salut, de la vie bien occupée, prodigue,
mais sans but finalement, futile, sans issue. Il a aussi la mort de celui qui
se croit vivant, la mort comme vie contente d’elle-même et certaine de son bon
droit, d’être sur le bon chemin ; la vie qui prudente, ne se remet jamais
en compte au point qu’elle ne voit pas qu’elle insulte le père à lui réclamer
un bouc pour festoyer (quel festin !).
Nous sommes morts sans le savoir comme on est aveugle
sans le savoir. « Si vous étiez des aveugles, vous n’auriez pas de péché.
Mais à présent vous dites ‹nous voyons› : votre péché demeure. » (Jn
9,41)
S’écrier, et s’en étonner, je suis vivant. Etre comme surpris d’être en vie, ne pas concevoir
la vie comme une évidence, mais comme une question qui attend non une réponse
comme un savoir ou une solution, mais une réponse comme à un appel. Surpris de survivre.
Ainsi celui qui aime à la folie. Ainsi celui qui, du fond du gouffre et de la
douleur, découvre qu’un rayon de soleil parvient jusqu’à lui, lorsqu’une voix
se fait entendre, de la bouche de l’aimé, ou dans le silence du mystère : je t’aime, toi, mon enfant bienaimé, toi celui
que mon cœur aime.
La vie avec le père est la vie qui a une issue ‑ et
quelle issue ! – la vie divine en partage. La vie avec le père est
une vie de manière sauvée, une vie où l’on entend la voix du père, comme au
baptême, déclarer : celui-ci est mon
enfant bienaimé.
Etre ressuscité, aujourd’hui, maintenant, non pas
après la mort, la mort de la chair, mais avant cette mort, être ressuscité
aujourd’hui dans la chair, c’est mener notre vie avec ce secret d’amour
incroyable : Nous avons entendu et nous avons cru la parole prononcée au
baptême : tu es mon enfant bien-aimé.
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