La multiplication des pains est un des rares épisodes à être
raconté par les quatre évangiles. On pourrait en conséquence penser qu’il s’agit
assez certainement d’un événement repérable historiquement, un miracle qui s’est
effectivement passé. Mais après avoir entendu la première lecture (2 R
4,42-44), on a l’impression que le texte de l’évangile est un copier-coller du
livre des Rois.
Vous avez repéré les éléments qui reviennent d’un texte à l’autre :
des gens nombreux qui ont faim, l’invitation d’Elisée ou Jésus à leurs
disciples de nourrir la foule, l’expression de l’impossibilité, le don de
quelques pains, le fait de manger et les nombreux restes. Le récit évangélique
semble n’être qu’une variation sur un thème connu.
On voudrait discréditer l’évangile que l’on ne s’y prendrait
pas autrement, à faire connaître ces quelques versets du Premier Testament. Au
contraire ! Le Nouveau Testament ne saurait être écrit sans le Premier, ne
saurait être compris autrement que comme prophétie, du moins dès lors qu’on le
lit dans la suite de Jésus.
Que font donc les évangélistes à ainsi lire le livre des
Rois comme une prophétie ? Ils trouvent des mots, comme des pierres dans
une carrière, pour parler de Jésus. La grande question des évangiles, n’est-ce
pas l’identité de Jésus. Comment comprendre cet homme qui est le salut de Dieu ?
Enfin un homme dont la parole nourrit ! Enfin un homme qui parle sans
répéter les pseudos évidences que tous répètent ! Enfin un homme qui
apporte la bonne nouvelle tant attendue, celle du salut.
Il nous faut encore noter que l’épisode des pains d’Elisée
est lui-même un remake. Il rappelle la rencontre d’Elie avec la veuve de
Sarepta, Le même genre de petit proverbe soulignant l’efficacité de la parole
du Seigneur est repris dans un contexte de famine : car ainsi parle le Seigneur : On mangera, et il en restera. Car ainsi parle le Seigneur, Dieu d'Israël :
Jarre de farine ne s’épuisera, cruche d’huile ne se videra (1 R 17,10).
Jésus via Elisée est présenté comme le nouvel Elie, celui
qui doit venir, celui qui échappe à la mort, enlevé par un char de feu ou tiré
du gouffre du tombeau.
A travers les trois histoires, est désignée la parole de
Dieu dans son efficacité nourrissante. Ce qui nourrit c’est la force de cette
parole selon laquelle la jarre de farine ne se vide pas, selon laquelle on
mangera et il en restera, parole qui rassasie et permet encore de remplir douze
corbeilles, autant que de tribus en Israël, le peuple tout entier est rassasié,
autant que de mois dans l’année, chaque jour on sera rassasié.
Reste à savoir comment cette parole nourrit. Pouvons-nous
dire qu’une parole fasse vivre et permette d’échapper à la famine ? Il est
évident que l’homme ne vit pas de pain
seulement. On crève à ne jamais entendre personne nous dire je t’aime. Et
la parole de Dieu ne dit que cela. Dieu a
dit une chose, quand bien même nous en entendons beaucoup. Dieu nous a dit
je t’aime, et c’est notre vie, notre joie. Et il y a de quoi ramasser douze
corbeilles de ce pain. Ces quelques syllabes, je t’aime, sont l’abondance même,
la source inépuisable et prodigue.
Si nous venons partager le pain c’est uniquement pour
entendre ce je t’aime et nous en repaître toujours. Venir écouter ensemble la
parole, c’est partager un pain surabondant, c’est répondre à ce je t’aime qui
nous engage à reconnaître en tout homme un compagnon. Le pain ne me nourrit qu’en
étant partagé parce qu’alors j’entends le je t’aime qui fait vivre. Dans la
fraction du partage est livrée la parole qui fait sourdre la vie.
Je sais, ce n'est pas un bon texte ! Dimanche après dimanche, je ne trouve pas toujours de quoi me renouveler. Bon, il va y avoir quelques semaines de jachère...
RépondreSupprimerAh moi, mais qu'est-ce donc qu'un "bon texte" ?...
RépondreSupprimerQu'est-ce que du bon pain ?
Qui en décide : celui qui le donne ? celui qui s'en nourrit ? ou bien encore ni l'un ni l'autre : laissant cela aux effets cachés, à la longue ?
Pain, nourriture de base au temps de Jésus, pain quotidien : et si son peu d'apparence participait au "miracle" du partage et du passage en notre sang en énergie vitale ?
Bonne "jachère" (et bon jeûne, donc, à vos lecteurs) !
Amicalement BC
PS : L'Evangile résumé en "Je t'aime", c'est plutôt bien, non ?