Nous avons un nouveau Pape. L’événement a eu un
retentissement mondial et tous les média ont couvert l’événement, y compris les
moins portés sur la chose religieuse. Je ne suis pas certain qu’il y ait de
quoi partager cette agitation médiatique. L’élection d’un pape n’est certes pas
banale, mais elle constitue un moment ordinaire de la vie de l’Eglise, qui se
produit en moyenne tous les huit ans. (Lors des deux derniers siècles, il est
vrai, de longs pontificats ont ralenti la fréquence.)
Est-ce un événement heureux ? Chacun appréciera la
manière qu’il aura eu de se réjouir où non. C’est en revanche un événement
sérieux, tant la charge est lourde et l’homme qui vient d’être choisi a déjà 76
ans.
Tous auront remarqué que François – ainsi souhaite-t-il
qu’on l’appelle – n’a pour l’heure quasiment pas eu recours au vocabulaire
de la Primauté. Il ne s’est pas ou peu dit Pape mais presque exclusivement
évêque de Rome. Les Cardinaux dont la tâche est de choisir un évêque pour la
ville de Rome sont allés le chercher à l’autre bout du monde, a-t-il dit. Et
encore, s’adressant à son Eglise et reprenant une expression de saint Ignace d’Antioche
vers l’an 110, il a rappelé qu’elle était l’Eglise chargée de présider à la charité des Eglises, ne se
réservant pas personnellement cette tâche.
Quel sont les enjeux de ces précisions sémantiques ? Tant
que le discours n’est pas passé dans les actes, il ne s’agit effectivement que
de sémantique. Je n’en développe qu’un, invitation à changer nos manières de
voir. En étant un évêque d’une Eglise particulière, celle de Rome, François s’inscrit
immédiatement dans un collège, parmi d’autres évêques. L’universalité de l’Eglise
qui se repère dans l’internationalisation du collège cardinalice se définit
dans et à partir de ces milliers d’Eglises locales répandues à travers le
monde. Tous, toujours et de partout confessent une même foi qui est ainsi
catholique.
Ce n’est pas Rome, comme le gouvernement central d’une
multinationale, avec des succursales, qui fonde l’universalité de l’Eglise,
mais la communion entre toutes les Eglises qui se disent catholiques et qui,
comme expression de cette catholicité, reconnaissent à l’Eglise de Rome, une
primauté d’honneur. Cette dernière tient au fait que cette Eglise conserve les
tombeaux des bienheureux apôtres Pierre et Paul (et qu’elle était dans l’Antiquité
la capitale de l’Empire). Cette primauté ne confère à l’Eglise de Rome, et
partant à son évêque, pas d’autre responsabilité que celle, délicate, de présider
à l’amour. Etre en communion avec l’Eglise de Rome, c’est être en communion
avec toutes celles qui le sont. Tous les actes du Saint Siège, ainsi que l’on
dit, n’ont de sens que par cette primauté d’honneur et ce devoir de veiller à
la charité. Le Saint Office, même s’il ne s’appelle plus ainsi, n’a d’autre
raison de pouvoir condamner que celui de veiller à la charité…
« Souviens-toi Seigneur de ton Eglise répandue à
travers le monde. Fais la grandir dans ta charité, avec le Pape François, notre
évêque Antonio Maria et tous ceux qui ont la charge de ton peuple. » C’est
notre prière, au cœur de chaque eucharistie.
La dynamique de cette prière a été fortement inversée au
cours des siècles, et particulièrement depuis les débats sur l’infaillibilité
pontificale. On ne peut pas dire que Vatican II soit parvenu à en rétablir le
sens. La figure si marquante d’un Jean-Paul II a eu pour conséquence, de ce
point de vue, un renforcement de l’image du Pape comme Pasteur universel. Déjà
Thérèse de Lisieux allait à Rome pour assister à une audience du Pape. Un non
sens aux yeux de la tradition. On ne va pas à Rome pour voir le Pape, mais pour
aller en pèlerinage sur la tombe des apôtres Pierre et Paul !
Il nous faut réapprendre à aimer notre Eglise proche, non
pas celle, éloignée, de Rome, que nous fantasmons plus que nous ne la vivons,
Eglise parfaite, taillée à la dimension de nos idéaux. L’Eglise, l’Eglise
catholique, l’Eglise universelle, c’est dans nos diocèses et à partir d’eux qu’elle
existe (Lumen Gentium 23).
La volonté de François d’insister sur son ministère
romain, qui se trouve chargé de la responsabilité de l’Eglise de Rome de présider
à l’amour, plus que sur l’aspect de pasteur universel de ce ministère, nous
invite à revisiter notre conception de l’Eglise.
Il me semble que Thérèse avant tout est allée à Rome, non pas "pour assister à une audience du Pape" mais surtout pour obtenir de ce dernier une dispense pour entrer au Carmel avant l'âge requis.
RépondreSupprimerje précise que je suis cet "anomyme"
RépondreSupprimerMerci Patrick pour ces lignes
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