Je crois qu’il y a la
résurrection de la chair. Telle est la foi que nous professons.
Contrairement aux apparences, ce n’est pas tant que la chair ressuscite qui
fait problème, mais la résurrection. En effet, on aura vite fait comprendre que
la chair, ce n’est pas la viande avec les atomes ou les cellules, mais l’homme tout
entier. Que serait un homme sans corps ? On ne le reconnaîtrait pas, il ne
serait plus lui-même, homme ou femme.
Le vieil Aristote enseignant qu’il n’y avait rien dans l’esprit
qui n’ait été connu par les sens. Nos manières de percevoir le monde, de l’habiter,
de nous y mouvoir nous constituent. C’est
tout lui, ça ! dit-on de l’attitude, la
réaction, le geste de quelqu'un.
Si donc nous ressuscitons, c’est avec cette chair, celle qui
souffre et jouit, celle qui s’est épanouie et qui peu à peu se flétrit, celle dont
nous aimons encore deviner la présence sur le corps de celui qui vient de
mourir. Mais le cadavre déjà ne lui ressemble plus, avec cette peau figée et
cireuse ; ce n’est plus lui, seulement sa dépouille, ce à quoi on l’a ravi.
Quand nous professons la résurrection de la chair, nous
disons que c’est l’homme tout entier qui vit auprès de Dieu, et non seulement
son âme. L’immortalité de l’âme à laquelle les Grecs croyaient ne dit pas le
respect envers le corps, celui que nous portons envers les malades, exacerbé
dans le culte du corps. Non, l’homme et la femme, ce n'est pas que leur
intelligence, immatérielle, c’est aussi leur sensibilité charnelle. Et cela
aussi ressuscite.
Mais justement, qu’est-ce que cette résurrection ? Une
nouvelle vie ? La même, transformée et continuée ? Une vie après la
mort ? Tout cela est trop étroit pour être juste.
La résurrection, c’est la vie avec Dieu. Ce n’est donc pas
après la mort puisqu’elle est déjà commencée, sans quoi nous ne serions pas là en ce moment.
Si elle est aussi après la mort, c’est parce que l’on ne voit pas comment, ayant choisi Dieu pour ami, ainsi que le
dit Thérèse de Jésus, il ne nous le rendrait
pas.
Nous ne savons rien de la vie après la mort. Ce que nous
pouvons un peu deviner, c’est ce que signifie, ici et maintenant, une vie avec
Dieu, une vie réconciliée avec les frères. Si l’amitié avec Dieu connaissait
une fin, Dieu lui-même serait fini, mortel, Dieu ne serait pas Dieu. Mais s’il
est celui en qui nous avons mis notre confiance, alors, la mort n’est plus destruction,
disparition. Vivants avec Dieu, s’il est Dieu,
nous ne pouvons pas être détruits.
Mais avec ces mots, nous en disons trop peu : la
résurrection, c’est la vie avec Dieu. Il faut dire, la résurrection, c’est la
vie de Dieu. La résurrection, c’est Dieu. Ainsi Jésus dit-il à Marthe : « Je
suis la résurrection et la vie, qui croit en moi, même s’il meurt vivra. »
La résurrection, c’est notre transformation en Dieu. Nous ne
serons pas dans un paradis charmant, jardin de délices, orient d’une vie sans
rature. Nous serons Dieu, unis à lui qui se donne à nous, divinisés. Notre
humanité est la sienne et sa divinité la nôtre.
Que Jésus soit Dieu étonne certains d’entre nous. Oui, il est
fils de Dieu, mais pas Dieu ! C’est dire combien on a admis aujourd’hui que Jésus est vraiment homme, comme nous, sans prescience
surnaturelle ou vision béatifique. La théologie du Verbe incarné, du Dieu qui
se cache dans l’humanité, ne marche plus parce que nous voyons, comme les
premiers disciples, l’homme qui marche sur les routes de Palestine, parce que
nous sommes attentifs à l’histoire, son histoire.
Il nous revient alors de faire le chemin de foi des premiers
disciples. Pour de vrai, cet homme était
Dieu ! Et ce que nous confessons de Jésus, nous le disons aussi… de
tout homme. C’est cela notre foi, la divinisation, et non quelques arrangements
avec la divinité, quelques traditions. « Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est
pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est votre foi […] Si
c’est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ,
nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Mais non ; le Christ
est ressuscité d’entre les morts, prémices de ceux qui se sont endormis. »
(1 Co 15, 16-20)
La résurrection, c’est Dieu qui, comme au jardin de la
création, nous appelle à vivre avec lui, à partager sa jouissance, ses
réjouissances. Une alliance non démentie, un dessein divin pour un destin
divin.
Un vieux texte syriaque, peut-être du second siècle, fait s’adresser
ainsi Jésus à Adam, à l’homme : « Adam, Adam, ne crains pas. Tu as
voulu devenir Dieu ; Dieu je te ferai. Pas maintenant sans doute, mais
après bien des années. Je te livrerai à la mort et le ver et la mite mangeront
ton corps. […] Après trois jours que je passerai au sépulcre, je ressusciterai
le corps que j’avais revêtu de toi et je te ferai siéger à la droite de ma
divinité ; je te ferai Dieu, comme tu l’avais voulu. »
Le Christ un homme comme les autres sans aucune prescience dîtes-vous.Mais alors que faîtes-vous de ses annonces de sa mort et de sa résurrection?
RépondreSupprimerJe ne comprend pas.
oui, le Christ était pleinement homme,mais il était bien plus que cela.
Si vous deviez faire une objection, ce ne serait pas celle-ci, très mauvaise aux vues de l'exégèse des dernières années, largement vulgarisée, ne serait-ce que par le bouquin de Pagola, et à laquelle je réponds par avance, en constatant la relégation de la théologie du Verbe incarné (la 2de personne de la Trinité qui se cache sous l'humanité de Jésus).
SupprimerJe peux développer ainsi : cette théologie encourt le risque, et plus que cela, de ne pas véritablement mesurer l'importance ou la radicalité de l'incarnation. Dans les premiers siècles, on a pris l'habitude de la nommer soit docétisme, soit nestorianisme, soit monophysisme. Je vous fais grâce des subtiles différences. Toutes les fois, on bute sur le même problème, ne pas reconnaître pleinement l'humanité du Fils de Dieu.
En face, il y a le risque de ne pas reconnaître véritablement en cet homme, Dieu lui-même, Jésus de la même nature que le Père, comme l'on dit dans la traduction française du Credo. Ce serait bien sûr l'arianisme.
Non, s'il y a une objection, c'est celle tirée de la lettre aux Hébreux, en 4,15, il est vrai tempéré par 2,17.
S'il vous plaît, puisque la théologie vous intéresse tant, puisqu'elle vous pose tant de questions, prenez le temps de vous informer. Votre confiance en mes propos n'est pas assez forte pour que vous ne les contestiez. Très bien. Mais lisez autre chose en qui vous avez davantage confiance. Je serais étonné que le Jésus de Ratzinger Benoït XVI allègue la prescience de Jésus. (Mais je n'y a fait que des sondages). Avec cet ouvrage, ou d'autres (comme celui de Sesboüé, Jésus Christ dans la tradition de l'Eglise,un peu technique, certes), vous verriez que je ne dis que des choses très classiques.