La croix de Jésus est le dernier mot de la révélation.
Non seulement parce qu’à partir de ce moment, Jésus, retiré
de la terre, ne pourra plus rien dire, mais surtout, parce que Dieu n’a plus
rien à dire, a tout dit de ce qu’il est, de ce qu’il annonce, de son amour, de
l’alliance avec les hommes.
« Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa
Parole, Dieu n’a pas d’autre parole à nous donner. Il nous a tout dit à la fois
et d’un seul coup en cette seule Parole et il n’a rien de plus à dire ;
car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son
Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui
voudrait maintenant l’interroger, ou désirerait une vision ou une révélation,
non seulement ferait une folie, mais ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les
yeux uniquement sur le Christ, sans chercher autre chose ou quelque nouveauté »
Ces lignes de Jean de la Croix (Montée du Carmel (2, 22, 3-5) sont citées par
le très orthodoxe Catéchisme de l’Eglise
Catholique.
Il n’est pas certain que nous ayons écouté jusqu’au bout ce
don que Dieu nous fait de lui-même. Si Dieu se livre ainsi entre nos mains, c’est
que toutes les images de Dieu que nous avons sont renversées.
Vous voulez savoir qui est Dieu ? Regardez vers la
croix, c’est là qu’il se dit. Vous voulez savoir qui est Dieu ? Celui qui
existe pour les autres, pour nous les
hommes et pour notre salut, pour notre vie. Il se donne quitte à disparaître,
parce c’est sa vie de se donner.
Si je puis me permettre, il n’y a pas que lui qui existe à
disparaître, à s’effacer. C’est ainsi que font tous ceux qui aiment, méprisant,
considérant comme des balayures la
reconnaissance par autrui, les honneurs, leurs droits.
Ceux-là seuls ont la force de changer le monde. Pourquoi la
politique ne permet pas de changer le monde ? Parce que ceux qui la
mènent, même honnêtement, ne souhaitent pas disparaître, s’effacer. Il faut
faire gagner ses idées, ce que l’on pense vrai. Pourquoi l’Eglise ne parvient
pas à se réformer et à témoigner de Jésus ? Parce que si peu d’entre nous
sont prêts à disparaître, avec leurs idées. Pourquoi des familles traversent
les crises qui font tomber les autres ? Parce qu’en elles, certains sont
prêts à disparaître pour l’amour des autres. Dieu renonce et s’efface. Il s’offre
sans limite. Il se livre. Il est livré.
Voyez donc, son peuple est massacré à Auschwitz et Dieu se
tait, parce qu’il meurt avec les six millions de Juifs, avec aussi les
Tziganes, les homos, et ceux qui avaient consenti à disparaître en se disposant
au service de la vie du monde, comme le pasteur Bonhoeffer, le Bienheureux Marcel
Callo, et tant d’autres. On n’en parle plus, leur place est parmi les morts.
Voyez donc, les chrétiens qu’on assassine au Levant. Dieu se
tait parce qu’il meurt avec eux. Voyez donc, la foi méprisée dans nos pays, et
Dieu se tait parce qu’il n’a plus rien à dire, parce qu’il ne peut plus rien
dire.
Vous voulez savoir qui est Dieu ? Regardez vers la
croix. Et quand tout est barré, rayé, raturé, effacé, dans le silence effrayant
et froid du cadavre supplicié, reconnaissez celui que vous adorez. Il n’y a pas
d’autre issue si c’est l’amour qui doit triompher.
Vous reprenez là il me semble une théologie assez classique. Je ne vous en fais nullement le reproche.— C'est forcément interpellant.
RépondreSupprimerJe bute cependant sur un mot : « disparaître ». C'est important à vos yeux, vous le répétez de multiples fois.
Qu’il y ait dans le monde des massacres et des injustices révoltantes, chacun le constate. Mais l'humanité ne se réduit pas à cela, fort heureusement.
Pour ma part je préfère parler de « don de soi » il s'effectue sans faire de tapage. Cela devrait être quelque chose de naturel à« l'homme de foi». Donner en partage ce qu’on a reçu soi-même gratuitement, au point de départ, et dont on peut faire l'expérience que cela nous vient "d'ailleurs" que seulement de nous-mêmes. Se consumer plus que disparaître. Et à condition d'avoir touché au fait que c'est dans ce mouvement que nous vient le bonheur d'exister et de donner. (sinon, les béatitudes c'est du baratin…).
C'est dans le mouvement du don que l'on est redonné à soi-même à chaque instant. Ce qui en font l'expérience savent ce qu’est une renaissance. (ce que vous appelez sans doute résurrection)
Or il me semble que l'église continue de privilégier les notions de sacrifices dans la peine, la douleur systématique, avec une sorte d'héroïsme du sacrifié. L’amour du martyrologe m'a toujours semblé quelque peu suspect.
Je peine à croire que c'est cela que Dieu attend. Je ne vois guère comment un Père prendrait son pied à voir ses enfants en ch….. à longueur de temps…
Si Jésus meurt sur la croix, c'est dans un acte délibéré. Sinon cela n'a pas de sens.
Mais peut-être ai-je mal compris le sens de votre billet…
Trois quatre choses, trop rapidement.
Supprimer- Je vous accorde que le projecteur est mis ici sur la violence, la mort, le sans issue. Mais vous m'accorderez que pour un vendredi saint, c'est pas tout à fait à côté du sujet.
- Que le don de soi ne soit pas toujours disparition, vous avez raison. Et il faut le mettre en avant. Je reprends ce thème plus souvent en contestant le vocabulaire du sacrifice pour parler y compris de la mort de Jésus.
- Que la mort de Jésus soit un acte délibéré, cela pourrait se discuter. Imaginer que l'opposition ne l'ait pas conduit jusqu'à la mort violente est possible et pas sûr que cela remette la foi dans le salut par sa mort et sa résurrection.
- Enfin, j'aime ce thème de la disparition de Dieu. Christian a développé cela souvent, mais aussi la Kabbale avec le retrait de Dieu pour laisser place à l'homme. C'est aussi une interprétation d'Auschwitz et plus encore de l'athéisme comme moment théologique.
Bon, tout cela est dit trop vite.
non,non, pas trop vite dit. C'est assez "parlant", mais si c'est ramassé.
SupprimerVous me donnez à réfléchir sur « L'acte délibéré ».... Intéressant donc…(pour moi en tout cas!)
Je ne l'ai pas souligné mais je vous rejoins pleinement sur la disparition de Dieu.
Il me semble que moins on en parle, moins on le brandit comme un étendard, et plus on agit dans le concret sous l'inspiration des messages de Jésus, plus, d'une certaine manière, on le manifeste.
Le discours est parfois plus tentant que l'humble action du quotidien.
Alors : les curés doivent-ils se taire ? :-)
Sans doute devraient-ils plus « répondre » que « prêcher ».
Je veux dire par là qu'il faut que l'interlocuteur soit un minimum « intéressé »
Qui est-il donc pour toi ce dieu, ce Jésus ?
Dans ma vie professionnelle j'ai eu des questions du genre : D'où tiens-tu cette compétence ? - je répondais que j'ai eu des maîtres et que je veux bien en parler…