La première communauté chrétienne nous est présentée dans l’extrait
que nous venons de lire (Ac 4, 32-35) comme un paradis, une communauté idyllique,
pacifiée, où règne le partage et l’amour. Le découpage liturgique nous fait rêver ;
Jamais semblable communauté n’a existé, pas même dans le livre des Actes des
Apôtres. Immédiatement après ces versets qui lui servent d’introduction, nous
est raconté l’épisode d’Ananie et Saphire.
Mari et femme, ils vendent un champ et en donnent le revenu
aux apôtres. Enfin pas tout à fait ; ils en gardent une partie pour eux.
Lorsqu’ils se présentent tour à tour devant la communauté, chaque fois Pierre
met à jour leur manœuvre et sur le champ, ils meurent.
Pourquoi occulter cet épisode qui fait déjà nettement moins
rêver ? On ne va tout de même pas raconter les vilenies de l’Eglise. On ne
va tout de même pas dire que quatre chapitres après le début du livre des
Actes, après le début du récit de la vie de l’Eglise, déjà la communauté est
ébranlée, traumatisée par la trahison de certains des siens. Que devient la
sainteté de l’Eglise si, dès l’origine, l’Eglise est marquée par le péché, si
son péché originel est précisément une affaire d’argent, et plus grave encore,
une tricherie sur la communauté ? On fait croire qu’on est tous frères, qu’on
partage, et il n’en est rien, pire on en tire profit.
Le plus ancien texte chrétien que nous possédions, la
première lettre aux Corinthiens rapporte les inégalités au cœur même du repas
eucharistique, quand les riches s’en mettent plein la lampe, plus ou moins
éméchés, et que les pauvres regardent sans rien avoir à se mettre sous la dent.
C’est que l’évangile de Jésus, l’évangile qui donne Dieu
pour Père à tous les hommes, l’évangile de la fraternité, donc, personne n’en
veut, pas même nous. L’évangile est renversement absolu de toutes les inégalités.
On arrête de se retrouver entre soi, du même milieu, au pouvoir d’achat
comparable. Le patron ne part pas avec trois millions quand l’entreprise
licencie mille six cents personnes, le gouvernement ne limite pas les pouvoirs
de la juridiction prudhommale, nous ne sortons pas du supermarché le caddie
plein lorsque d’autres sollicitent un peu d’un superflu qui leur serait
tellement nécessaire.
Nous ne voyons même pas les richesses, nous pensons
seulement que la richesse est à créer, et qu’alors, on pourra partager. Faut-il
être aveugle pour ne pas voir les richesses matérielles et économiques du monde ?
Ceux qui émigrent vers l’Europe les ont vues, eux !
Oh, je n’ai pas de solution. Il faudrait que je commence par
partager et que, sans doute moins que beaucoup ici, je n’en ai l’intention.
Mais voilà. Si Jésus est le ressuscité, si son Dieu est notre Père, la
fraternité humaine est un impératif. A ne pas être frères, à ne pas partager, nous
rendons vaine la résurrection de Jésus, nous faisons de Dieu un menteur, juste
un géniteur capable d’engrosser l’humanité, mais qui n’a rien à faire des
rejetons !
Comme ces propos sont durs à entendre ! Serons-nous
encore chrétiens dans deux minutes à la fin de cette homélie ? L’avons-nous
jamais été ? François d’Assise, époux de Dame pauvreté, au milieu de tous
les parias de nos sociétés et de notre humanité, François d’Assise que nous
vénérons comme l’un des plus grands saints, pourrait être notre juge.
Les mendiants dans les rues de nos villes sont le cri de la
fraternité bafouée, foulée aux pieds, le cri du sans d’Abel. Qu’au moins, nous
ne nous bouchions pas les oreilles, en habitant des réserves de riches. Qu’au
moins, nous ne justifions pas notre train de vie par nos efforts, le prix de
notre travail. Qu’au moins, nous ne rendions pas les pauvres responsables de
leur sort, comme s’ils s’y complaisaient, oisifs et trop heureux de compter sur
les autres. Qu’au moins on ne les soupçonne pas, comme c’est si régulièrement
le cas, d’abuser des aides sociales, de les détourner. Les abus de biens
sociaux et la corruption, en nombre et en volume, sont d’abord le fait des
riches.
Si nous regardons notre Eglise, non pas idéalisée, mais
telle qu’elle est, nous entendrons l’appel à nous convertir, à vivre de sa
sainteté, à cesser de la maculer de notre ignorance des frères. Si l’Eglise
témoigne du renversement radical de l’évangile, si l’évangile n’est pas empêché
par elle de renverser le monde, sans doute, quelques uns d’entre nous, ne
voulant rien perdre ni partager, nous quitteront. Nous sommes tous, comme
Ananie et Saphire sur le point de mourir de notre trahison. Nous disons aimer
Dieu et ignorons le frère.
Mais notre Eglise, notre communauté, lorsqu’elles vivent le
partage ‑ ainsi de notre collecte de carême, du Denier de l’Eglise, du
travail de tant d’organisations caritatives, de notre générosité personnelle –
rendent l’évangile crédible. C’est à l’amour que nous avons les uns pour les
autres que nous sommes reconnus comme disciples. Notre désir d’une humanité fraternelle
est notre confession de foi la plus juste. Nous vivons en frères ainsi croyons
nous en un seul Dieu, Père de tous et amis des hommes.
Et si le Vatican vendait toutes ses richesses dites "artistiques" et inutiles puisque planquées la plupart dans des caves...) ainsi que ses possessions immobilières, pour distribuer aux pauvres le prix de la vente?
RépondreSupprimer(1,35 milliards de dollars les immeubles du Vatican - 26 millions de dollars le racket des quêtes - 700 millions de dollars le budget annuel pour entretenir le train de vie des prélats et de leur suites princières, etc....)
Et je ne parle pas des congrégations religieuses richissimes par accumulation d'argent depuis des siècles par captation d'héritages...
Ah oui j'oubliais : difficile, toujours, de balayer devant sa porte....
Oui, je sais aussi, l'emmerde le monde catho avec ces vérités-là ! ...
Et puis l'église est là pour prêcher la bonne parole... Pas pour montrer l'exemple d'une vie dite "évangélique" et pauvre....
L'Eglise DES pauvres doit, elle, demeurer RICHE !
Oh, vous faites là preuve d'un argument aussi nouveau que révolutionnaire ! Vraiment merci. On n'y avait jamais pensé. Bon, vous voulez mettre en regards de vos estimations, de semblables estimations, mesurées avec la même générosité, de ce que l'Eglise donne, congrégations, Vatican, diocèses, paroisses et plus d'un milliard de chrétiens ? Vous penserez au quelques centimes d'euros que représentent la quête d'un Malgache ou d'un Haïtien. Il se pourrait que cette Eglise riche soit la plus généreuse de tout ce que nous connaissons sur cette planète.
RépondreSupprimerBon, cela ne résout pas le problème des inégalités. Mais déjà, et depuis toujours, cela les rend moins injustes. La question est renvoyée à tous. On peut vendre les richesses du Louvre et les bâtiments. Cela comble le déficit de la France ou vient en aide à ceux qui dorment dans les rues. C'est vraiment une bonne solution ?
C'est que j'ai en ce sentiment désagréable de lire une "leçon de morale" qui semblait concerner "les autres" et pas tellement "soi"....
SupprimerReste que le décorum et la Pompe vaticane ....Je me demande si vous réalisez l'impact HYPER négatif de cet étalage médiatique de richesses et d'habits brodés d'or sur "le bon peuple de dieu", comme disait un vieux curé de village de mon enfance....
Un pape célébrant en jeans ! Ça ferait au moins causer....
Vous qui êtes sensibles aux symboles devriez comprendre ce contre-témoignage officiel...
Jésus s'habillait "comme toute monde" il me semble.....