« Fais-nous voir ton amour Seigneur, donne-nous ton
salut ! » (Ps 85, 8) « Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez
la route. Tout être vivant verra le salut de Dieu ! » (Lc 3, 4. 6) En
ce deuxième dimanche de l’avent, alors que les textes ne nous parlent toujours
pas de noël, l’avent apparaît comme le temps du salut.
Les évangiles de la messe de semaine nous offrent toute une
série de guérisons. Le salut, c’est d’abord, quand on est malade ou dans une
situation de danger, retrouver la santé, être sauvé, sain et sauf. Le concept
théologique de salut, aseptisé, vient de ce premier sens, charnel. Le salut, c’est
une question de vie ou de mort.
Mais comme l’on meurt et que la prière n’y fait rien, comme
les guerres se déchaînent et que la foi n’y change rien, on est bien embêté
pour parler du salut de Dieu. Il nous reste plus qu’à le prévoir pour le jour
de la résurrection, aux derniers temps, oubliant que nous sommes dans les
derniers temps, que la résurrection est déjà commencée dès lors que nous vivons
avec Dieu, ou, plus justement, le salut est déjà commencé puisque Dieu vit avec
nous, que nous le voulions ou pas, le sachions ou pas.
Le salut, ce n’est rien d’autre que Dieu lui-même en tant qu’il
donne la vie. Un vieux cantique de l’avent le disait : « Venez divin
Messie nous rendre espoir et nous sauver. Vous êtes notre vie, Venez, venez,
venez. » Le salut, c’est Dieu lorsque nous le reconnaissons, le
confessons, comme celui qui jour après jour vit à nos côtés et donne à chacun
de nos instants son poids d’éternité, sa gloire. Le salut, ce n’est pas un truc
abstrait que Dieu donne ou un truc invérifiable, la vie qu’il donnera à la fin.
Le salut, c’est aujourd’hui, dans la bouche de ceux qui confessent la bonté de
Dieu, ce Dieu même qui se donne pour que nous ayons la vie.
Bien sûr, confesser le Dieu qui est don de vie, cela n’est
pas affaire de paroles. On confesse que Dieu est vie qui se donne, lorsque
soi-même, on est pris dans la dynamique de ce don et devient par Dieu, don à
notre tour pour les autres. A la limite, pas besoin de connaître le nom de
Dieu. Combien sont-ils les parents, sont-elles, les mères, qui donnent la vie,
non pas en mettant au jour ‑ cela ce n’est pas si difficile, même les
animaux donnent la vie en ce sens ‑ mais jour après jour, se font les
serviteurs de la vie de leurs enfants ? Combien sont-ils, qui relaient
ainsi le salut de Dieu, qu’ils le sachent ou pas, combien sont-ils à aplanir les
routes pour que l’humanité quitte son accablement et revête des vêtements de
joie ? Combien sont-ils ceux qui donnent leur vie à Dieu, non pas les
prêtres et les religieuses, comme l’on dit, mais tous ceux qui se défont d’eux-mêmes,
parfois des religieuses, religieux, prêtres aussi, pour que le monde soit vie.
Même quand tout est fini, le salut est encore possible. Il
est encore possible de sauver quelqu’un même quand tout est fini, quand son cas
est désespéré. En français, le salut désigne aussi la salutation. Et dans le
salut, dans le souhait d’un bon jour, c’est la dignité de l’autre qui est
manifestée. Le bourreau ne salue pas sa victime, il la tue. Nous saluons dans
le vieillard grabataire notre humanité, même aux limites. La personne, ainsi
saluée est relevée de l’indifférence ; elle n’est pas réduite à la
déchéance physique ou mentale, elle est saluée comme une personne humaine ;
sa dignité, si malmenée par la maladie, est révélée plus fort que tout.
Le salut commence ainsi, lorsque nous nous adressons un
salut, un bonjour, une bénédiction. Dès le matin du monde, Dieu salue la
création : il vit que cela était bon. Et quand il eut vu tout ce qu’il
avait fait, après la création de l’homme, il déclare que c’est très bon.
Mais voilà que nous avons parlé de salut sans dire un mot du
péché. Bien sûr, si le péché est dit comme une maladie, une mort, on comprend
que l’on puisse parler de salut lorsque l’agneau de Dieu enlève le péché du
monde. Mais cela ne doit pas réduire le salut au rachat, au pardon. Cela doit
plutôt faire du pardon Dieu lui-même, s’il est vrai que sauver, pour Dieu, c’est
se donner. Un peu de théologie fiction. Même si l’homme n’avait pas été
pécheur, Dieu l’aurait sauvé, lui aurait donné sa vie, se serait donner à lui,
l’aurait salué pour lui conférer sa divinité, l’aurait sauvé.
Dans nos vies habitées par le mal, dans le monde déchiré par
la violence et la mort, oui, nous attendons le salut, la venue de Dieu qui guérit,
fait toutes choses nouvelles. Mais dans la joie de vivre, dans la jubilation de
l’amour partagé, Dieu aussi est salut, Dieu aussi se donne. Il est celui qui
sauve, il est le salut des peuples. Bénédiction pour tous les peuples :
Dieu vit ce qu’il avait fait, c’était très bon. « En séparant le sable et
l’eau, Dieu préparait comme un berceau la terre ou il viendrait au jour. »
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