Que savons-nous de la naissance de Jésus ? D’un point
de vue historique, quasiment rien. Marc et Jean n’en disent pas un mot ; ils
font débarquer Jésus adulte, à la fin de sa vie, racontant ses deux dernières
années, depuis le début de sa prédication jusqu’à sa mort.
Matthieu et Luc semblent nous renseigner d’avantage, comme
pourrait le laisser croire le récit que nous venons d’entendre (Lc 2, 1-14). Mais
ils ne savent rien de plus. Ce qu’ils racontent n’est pas un reportage. Il n’y
avait personne pour raconter la naissance d’un petit de pauvres palestiniens,
au tournant du 1er siècle, aux marges de l’Empire. Et quand bien même
ils auraient connu une certaine aisance et culture, ce qui n’est pas
impossible, qui s’inquiétait d’une naissance alors que la mortalité infantile
est immense, alors qu’il naît des enfants chaque nuit, qui restent anonymes ?
Au moment de l’année où la nuit est la plus longue, où les
ténèbres semblent devoir recouvrir définitivement et totalement l’univers, le peuple qui marchait dans les ténèbres a
vu se lever une grande lumière. La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. La nuit n’est pas finie. La guerre continue,
les attaques terroristes, la mort des migrants dans la mer, et la photo de ce
petit syrien sur le rivage, Aylan, que nous ne pouvons pas oublier. La
confession de foi ouvre l’évangile avec la naissance de Jésus. Il est la
lumière, l’astre d’en haut qui vient nous visiter, l’étoile pour guider notre
vie.
La fête de Noël est une invention du 4ème siècle.
Bien sûr, celui dont les chrétiens célèbrent la mort et la résurrection chaque
dimanche depuis déjà plus de trois-cents ans est né, et il peut être
pastoralement opportun de célébrer sa naissance, histoire d’aider les chrétiens
à le découvrir vraiment semblable à eux en toute chose. Lui aussi est né, lui
aussi a été un enfant, lui aussi a pleuré, eut faim, lui aussi a attendri ses
parents et voisins. Du moins selon toute vraisemblance. De lui aussi, il a fallu
que l’on s’occupe.
Mais alors rendez-vous compte, si le roi de l’univers est
celui dont on doit s’occuper comme d’un nourrisson, le visage de Dieu en est
renversé. Le tout-puissant est celui qui fait dans ses langes et qu’il faut
changer ! Ce n’est pas très digne. La parole de Dieu ne sait pas parler,
au mieux vagir quand elle a faim. Ce n’est pas très digne. Voilà de qui nous
sommes les disciples, d’un homme qui a été marmot, totalement dépendant, qui a
dû apprendre comme chacun a être propre, à parler, à marcher, à maîtriser ses envies, qui a appris à
vivre grâce à l’amour des autres.
La source de l’amour se met à l’école des hommes pour
apprendre à aimer. C’est aussi risqué que déraisonnable !
C’est de cela dont parlent nos textes. Rien d’un reportage
dont la vérité serait des faits. La vérité des textes que nous lisons, c’est le
Dieu qui se révèle à l’homme, qui se donne à lui, autrement que prévu. Dieu se
met à l’école de l’humanité. Il est fou, fou d’amour, et ne désespère pas que
semblable folie ne soit contagieuse. Et si nous pouvions croire que l’humanité
est réellement capable d’être une école d’humanité, même pour un dieu !
Bien sûr, il n’y avait pas de place pour lui dans la maison
commune. Comment y aurait-il place pour Dieu chez les hommes ? Comment le
créateur des cieux trouverait-il place sous les cieux ? Et pourtant,
certains l’ont accueilli. J’entends le papa d’Aylan : « Si quelqu’un claque la porte à la
figure d’une personne, c'est très, très difficile. Lorsqu’une porte est
ouverte, on ne se sent plus humilié. »
Voilà ce qu’a vécu
notre Dieu. La capacité des hommes et des femmes à ouvrir et à fermer des
portes, à aimer ou à tuer. Il s’est engouffré dans la porte de l’amour. Et pour
les portes qui se sont fermées, il s’est fait porte lui-même. Je suis la porte. Entrez, ouvrez-moi les
portes de justice !
Nous ne savons rien
de ce qui s’est passé le jour ou la nuit de la naissance de Jésus. Qu’il ne
vous en déplaise, le reality-show n’existait pas encore. Vous voilà refaits
pour le voyeurisme. Vous ne saurez rien de cette naissance si ce n’est ce que
vous pouvez en imaginer à partir de vos propres expériences. Mais il y a mieux,
vous aurez trouvé un Dieu qui vous demande de lui enseigner l’amour, de lui
apprendre à aimer. Il vous faut rassembler tout ce que vous avez de meilleur.
On n’a pas tous les jours pareil élève !
Quand vous n’arrivez
pas à aimer, puissiez-vous ne pas vous haïr, ne pas douter de l’humanité, ne
pas charger encore un peu plus votre ennemi de tous les maux. Dites à votre élève
que c’est à lui désormais de prendre le relai ; que la si vieille humanité
n’a plus assez de force, qu’elle n’en a jamais eue assez, c’est de lui, le
nouvel Adam, que nous recevons sur la
terre la paix même qui habite les cieux.
- Pour l’Eglise qui
cherche à se mettre à l’école de son Seigneur.
- Pour le monde,
capable du meilleur et du pire.
- Pour Aylan, pour
Jerry, notre ami.
- Pour nous tous et
ceux que nous aimons.
Vous écrivez, Patrick, "un petit de pauvres palestiniens". Mis à part le fait que Joseph le charpentier de Nazareth et son fils Jésus devaient être des artisans ou patrons de PME plutôt professionnels compétents, instruits et même peut-être aisés, car l'art de la charpente ce n'est pas fait pour les nuls, vous tombez dans l'anachronisme. C'est comme si je disais "le président français Vercingétorix" ou "au Vatican, le pape St Pierre, lors de sa bénédiction urbi et orbi" ou "le célèbre italien Jules César" ou "De Gaulle alimentait la Résistance en faisant parachuter des valises pleines d'euros". Lisons bien Luc 2, 1 à 5 : "En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre. Ce premier recensement eut lieu lorsque Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville d’origine. Joseph, lui aussi, monta de Galilée, depuis la ville de Nazareth, vers la Judée, jusqu’à la ville de David appelée Bethléem. Il était en effet de la maison et de la lignée de David. Il venait se faire recenser avec Marie, qui lui avait été accordée en mariage et qui était enceinte."
RépondreSupprimerEn une seule phrase au verset 4 nous avons des indications géographiques précises : Galilée, Nazareth, Bethléem, Judée. De Palestine, point !
J'atterris maintenant de nos jours et formule des vœux pour Noël 2015 et l'année 2016 : je souhaite le meilleur à la Palestine ET à l'Israël d'aujourd'hui. Paix sur Terre, au nom des Hommes, donc au nom de Dieu !
« La source de l’amour se met à l’école des hommes pour apprendre à aimer. C’est aussi risqué que déraisonnable ! »
RépondreSupprimerEn quoi risqué ? La source ne connait pas l’eau qui jaillit et où elle va abreuver…. le risque c’est un Dieu qui se met à aimer autre que lui-même !… Sans Humanité à aimer, Dieu n’est pas aimant….
L’homme eut le mérite de faire découvrir l’Amour … à l’Autre…. et à ce Dieu qui cherchait…. à sortir de sa Jalousie divine…. (dit l’A.T. …)
déraisonnable ? oui, ça oblige la source à découvrir l’amour répandu…. et son risque d’échec…. (la source n’est que la source… l’amour n’est pas la source, elle en est le fruit limpide….)
Sans le Fils, l’amour du Père n’a pas possibilité d’exister…..
C’est juste une « potentialité en sommeil »….
Je sais c’est pas très catholique mes propos…. normal, je ne suis pas catholique…
:-)