Jésus est baptisé par Jean. Il est alors un disciple du Baptiste. Voilà qui devait ennuyer les rédacteurs des évangiles, mais qui était un fait à ce point connu, qu’il n’était pas possible, de le passer sous silence, que l’on appartienne à la tradition synoptique ou johannique.
Tous savaient que Jésus avait commencé sa vie publique en se mettant à l’école de Jean, école qui semble toujours exister dans les années 80. L’insistance mise sur les lèvres de Jean à passer derrière, lui qui pourtant était là le premier, invite chacun à renverser les évidences, mouvement bien évangélique, le dernier (venu) est premier.
Jésus, en prenant son autonomie, ne rejette pas ce qu’il a partagé avec Jean, loin s’en faut. La conviction d’un attachement à Dieu non par des rites mais par une conversion de vie leur est commune. Cela les conduit l’un et l’autre, dans une veine prophétique, à relativiser les institutions sacerdotales, notamment les sacrifices du temple. « Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde, non le sacrifice. » (Mt 9, 13) La religion comme phénomène identitaire n’est pas sensée ; importe de mener sa vie saintement et de se fier à Dieu. « Nos paroles et nos rites déclenchent-ils dans le cœur des personnes le désir d'aller vers Dieu, ou bien sont-ils une "langue morte" qui ne parle que de soi et à soi-même ? » (François)
Le baptême de Jean est purification des péchés ; celui de Jésus, plongeon dans sa mort et sa résurrection. Je cite Jean Chrysostome : « Alors que beaucoup croient que le baptême a pour unique bienfait la rémission des péchés, nous avons compté jusqu’à dix honneurs conférés par lui. C’est pour cette raison que nous baptisons même les petits enfants, bien qu’ils n’aient pas de péchés, pour que leur soit ajouté la justice, la filiation, l’héritage, la grâce d’être frères et membres du Christ, et de devenir la demeure du Saint-Esprit. »
Le baptême que nous avons reçu est justice, filiation, héritage, grâce d’être frères et membres du Christ, de devenir la demeure du Saint-Esprit. Ce n’est pas un acte posé jadis, mais un état dans lequel nous sommes invités à persévérer. La grâce d’être frères et membres du Christ, c’est aujourd’hui, même des années après la célébration du baptême ; devenir la demeure du Saint-Esprit n’est pas du passé mais d’une actualité brûlante, s’il est vrai que le Saint-Esprit n’habite pas des pierres mortes, monuments sans doute superbes mais d’un autre temps. Le Saint-Esprit vivifie, il donne la vie aux pierres vivantes que nous sommes.
Vous m’excuserez de dire des balivernes, choses bien connues. Je m’abrite derrière Augustin ; au cinquième siècle déjà, la perception de l’Eglise était faussée. « Quand vous entendez, frères, dire par le Seigneur : "Là où je suis, là aussi sera mon serviteur", ne pensez pas seulement aux bons évêques ou clercs. Vous-mêmes, à votre manière, servez le Christ en vivant bien, en faisant des aumônes, en prêchant son nom et sa doctrine à ceux auxquels vous pouvez le faire, de sorte même que chaque père de famille reconnaisse en ce nom qu’il doit à sa famille une affection paternelle : pour le Christ et pour la vie éternelle qu’il avertisse tous les siens, qu’il les enseigne, qu’il les exhorte, qu’il les semonce, qu’il fasse passer en acte sa bienveillance, qu’il leur applique la correction ; il remplira ainsi dans sa maison une fonction ecclésiastique et, d’une certaine manière, épiscopale en servant le Christ pour être éternellement avec lui. Car beaucoup d’entre vous ont accompli ce très grand service de la souffrance : beaucoup qui n’étaient ni évêques ni clercs, mais des "jeunes gens et des jeunes filles, des vieillards comme des enfants", beaucoup d’hommes mariés et de femmes mariées, beaucoup de pères et de mères de famille, en servant le Christ, ont donné même leur vie pour lui rendre témoignage et ont reçu du Père qui les honore les couronnes les plus glorieuses. »
La place centrale du paterfamilias, de l’oikodespotès est liée à la structure de la société antique. C’est chacun de nous, chef de famille ou non, qui devons inventer comment être comme un évêque pour tous. Non pas le fonctionnaire ecclésiastique, mais celui qui a soin de vivre et faire vivre de l’évangile, de Jésus. Le voilà notre baptême, plus actuel encore qu’au jour de sa célébration.
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