21/01/2022

Les membres de son corps (3ème dimanche et unité des chrétiens)

Nous voici presque au terme de la semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Le lectionnaire nous propose pour ce jour, indépendamment de la semaine de prière, la célèbre comparaison du corps de la Première lettre aux Corinthiens, (1 Co 12, 12-30).

La comparaison s’achève par une liste des différents membres, non l’énumération de personnes, de noms de personnes ou de familles ou de maisons chrétiennes. Les membres ne sont pas membres par leur nom, leur état, mais par leur articulation à la totalité du corps.

Apôtre, prophète, docteurs, miracles, don de guérisons, assistance de gouvernement, parler en langue. Il est aujourd’hui difficile de qualifier ce dont la liste est faite à cause d’une polémique catholiques protestants au XXe siècle. S’agit-il de fonctions ou bien de charismes, dons de Dieu ? L’Eglise est-elle une institution avec ses agents et son droit ou l’œuvre actuelle de Dieu, suscitée par sa Parole et son Esprit qui distribue aux croyants les dons spirituels ? Remarquons en outre que le mot ministère(s) ne se trouve pas dans notre texte, utilisé une fois seulement au début du chapitre. On notera au moins que cette liste paraît hybride, inventaire à la Prévert.

De quoi l’Eglise a-t-elle besoin pour être ce que Dieu veut, la présence aujourd’hui de Jésus en ce monde ? Le Christ par l’Eglise a-t-il un corps ? Et comment ? Si le Ressuscité n’a plus de corps, aujourd’hui, ce n’est pas Jésus, ce n’est pas un humain. Car un humain sans corps n’est pas un humain. Voilà précisément pourquoi nous professons la résurrection de la chair. (Dit en passant, il ne s’agit pas de penser que les atomes de notre corps se recomposent. Mais que tout ce que nous sommes, par le corps, tout ce que nous appréhendons par le corps et qui nous constituent, précisément c’est nous aussi.)

Comment le Christ, par l’Eglise, a-t-il encore un corps ? (Dit en passant aussi, le corps du Christ, ce sont les massacrés, les enfants brisés, les malades à en mourir.) Comment, puisque nous sommes engagés dans la semaine de prière pour l’unité des chrétiens, le corps du Christ pourrait-il être vivant à être divisé ? Un corps démembré, voire découpé, disséqué, c’est au bas mot, un corps blessé, plus souvent un cadavre. L’unité des chrétiens n’est pas optionnelle. Sans elle, il n’y a au mieux qu’un corps terriblement limité, voire une dépouille.

De quoi l’Eglise a-t-elle besoin pour être la présence de Jésus en notre monde ? Elle a besoin de tous les membres. Un corps auquel manque des membres, avons-nous dit, est un corps handicapé. Certes, l’Eglise manquera toujours de membres. Elle n’est pas complète, ne peut l’être ; elle ne peut se prendre pour la réalisation achevée, parfaite, de la résurrection.

La liste des charismes n’est pas exhaustive ; elle n’est que trop peu hétéroclite. Il est bien des manières d’être membres. Aujourd’hui, il y a encore de nombreux charismes, plus permanents ou plus ponctuels, au service de l’annonce du Christ ou de l’organisation du corps, ou peu reliés à l’institution. Pourrions-nous en faire une liste ? En quoi chacun se comprend-il membre ? En quoi reconnaissons-nous les autres comme membres du corps ?

Les personnes âgées, dépendantes, ne peuvent plus faire grand-chose. Comment sont-elles membres ? Quel charisme leur reconnaît le corps ? Dans notre diocèse, le ministère ordonné devient extrêmement limité en nombre. Un sixième des paroisses dont la nôtre est sans curé, un tiers a un curé venu d’Afrique. C’est dire l’essoufflement, la disparition du ministère presbytéral. Assurément, et peut-être à tort, le curé est en outre le permanent de la paroisse. Qui, en l’absence de curé, sont les permanents, repérés comme ceux auxquels on peut s’adresser, ceux qui mettent en relation ? Ce ministère de « portier », pas forcément presbytéral, ce ministère de porte de l’Eglise, qui en a le charisme aujourd’hui ?

Devant l’effondrement du ministère presbytéral, on pourrait penser, même fort peu clérical, que c’en est fait du corps du Christ et des charismes. Mais il y a le corps du Christ. Devant l’effondrement du nombre de pratiquants du dimanche, on pourrait penser qu’il n’est plus guère de membres. Or, la fréquentation de la messe dominicale n’est pas l’estampille des membres du corps. C’est seulement un charisme parmi d’autres, celui de marquer, par le rassemblement, qu’il y a le corps du Christ. Quels charismes reconnaissons-nous ? A ne pas voir certains, il se pourrait que nous écartions des membres du corps du Christ. Il y a tant de charismes, à commencer par la charité, la plus grande (1 Co 13), qui ne passera jamais.

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