28/01/2022

Furieux de reconnaître Jésus (4ème dimanche du temps)

Si Jésus revenait, si Jésus nous visitait, comment l’accueillerions-nous ? Pas sûr que nous lui ouvrions grand les bras. C’est du moins ce qui se passe à Nazareth (Lc 4, 21-30). C’est du moins ce que raconte Dostoïevski avec la légende du grand inquisiteur. D’accord, c’est un roman, d’accord, c’est son anticatholicisme. Mais enfin, comment accueillerions-nous Jésus s’il revenait ?

Il correspondrait sans doute tellement peu à ce que nous imaginons de lui que ne le reconnaîtrions pas. Nous pensons souvent qu’ils ont eu de la chance, ceux qui ont vécu avec lui. Mais serait-ce vraiment une chance de le croiser comme nous nous rencontrons ? Ne serions-nous pas condamnés à la vérité de nos relations avec lui, ne serions-nous pas condamnés à reconnaître que nous ne le reconnaîtrions peut-être pas, ou que nous le chasserions de nos églises, comme de la synagogue de son village ou de la Séville du roman ?

Qu’imaginons-nous de Jésus ? Comment l’imaginons-nous ? S’agit-il d’ailleurs de l’imaginer ? Jésus a un corps. Pour savoir à quoi ressemble Jésus, il n’est qu’à regarder son corps.

Le corps du Christ, c’est son Eglise. Mais cette Eglise, c’est qui ? Comme dit Augustin : « beaucoup de ceux qui paraissent au dehors sont au-dedans et beaucoup de ceux qui paraissent au-dedans sont au-dehors ».

Pour reconnaître Jésus lors de sa venue, il faut le reconnaître aujourd’hui. Les pauvres, les exclus, ce sont eux qui dessinent le portrait du Christ. La parabole dite du jugement dernier est formelle. Chaque fois que nous avons servi les autres ou non, c’est lui que nous avons servi, ou non.

Le corps de Jésus c’est encore ceux avec qui il faut faire Eglise, que cela nous plaise ou non, parce qu’ils sont là, là où nous sommes, et que nous ne saurions, comme disciples, nous ignorer, vivre sans les autres. On n’est pas obligé de s’apprécier, on se doit de porter conjointement la mission d’être ensemble son corps.

A l’époque du zapping, du chacun son opinion, de la facilité assez grande de changer de communautés et de trouver celle qui nous conviendrait, une exigence de rencontre nous est posée. Les disciples de Jésus seraient-ils aussi individualistes et adeptes du chacun sa vérité que n’importe qui ? Qu’ils ne soient ni meilleurs ni pires que les autres est certain, mais enfin, si l’individualisme est la norme qui gouverne leur action, voilà une négation du corps du Christ.

Il faut reposer la question. La Christ a-t-il aujourd’hui un corps ? Le Christ a-t-il encore un corps ? Question qui sonde la profondeur de notre foi en l’incarnation. Question de la foi en la résurrection. Si la chair du Christ ne ressuscite pas, si le Christ n’a plus de chair, alors ce n’est pas le Christ. « Je crois à la résurrection de la chair ». Telle est notre foi. Question de théologie dite spirituelle encore. Le Christ auquel je crois n’est-il qu’une projection de mon imagination, ou bien a-t-il une réalité effective au point d’être en outre contraignante ? Thérèse de Jésus écrivait : « J’en ai connu dont la tête et l’imagination sont si faibles qu’elles croient voir tout ce qu’elles pensent. C’est fort dangereux ».

L’évangile de ce jour, le retournement si soudain des sentiments à l’égard de Jésus, au point de ne plus le reconnaître ou de vouloir le faire disparaître, raconte la colère qui nous prend quand le doux oreiller de nos illusions est dénoncé comme leurre par la réalité brute, brutale. Penser le Christ sans son corps aujourd’hui est une bonne manière de rêver le dieu de nos illusions, qui ne nous casse pas les pieds… ou qui au contraire se fait surmoi mortifère. Il y a le corps du Christ.

2 commentaires:

  1. Je penserais qu'est venue la fin du monde , le moment où Il était annoncé pour le Jugement dernier et je ferai confiance en Son infinie miséricorde quand je serais jugé à mon tour avant le "grand passage" .

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  2. J'ai vu le Christ hier, en la figure de cet homme de 63 ans, hospitalisé pour un cancer évolué, qui a passé la moitié de sa vie en prison... et qui parle de Charles de Foucault comme j'ai rarement entendu quelqu'un parler de l'ermite du désert. J'ai bien compris que le visage du malade qui souffre, du délinquant qui a peur, du psychotique perclus d'angoisse, du pauvre qui ne sent pas vraiment bon, c'est bien à lui que Dieu ressemble.

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