« Il y a un travail de décapement, d’abandon. Comment
disons-nous aujourd’hui les choses de la foi ? Et c’est là qu’à mon avis
est l’immense travail qui nous attend. Bien sûr, il y a les problèmes de
gouvernance, ce qui nous retient en ce moment. Mais, notre grand travail :
comment disons-nous honnêtement les choses de la foi ? Qu’est-ce que nous
voulons dire lorsque nous disons que Jésus est Dieu ? Comment est-ce
possible de le dire ? La Trinité ? […] Comment pouvons-nous parler
des fins dernières ? La résurrection ? Alors que nous vivons sur
beaucoup de mythologie en fait. Il y a énormément de mythologie dans notre
discours et dans nos Ecrits. Nous avons besoin de mythologie, c’est vrai, mais
il ne faut pas en être dupe.
La religion fait encore trop de bruit, trop de bruit intérieur plus
encore qu’extérieur. Les douceurs et les terreurs de la religion font trop de
bruit. Aussi est-ce à l’écart de la religion qu’il faut chercher le
recueillement. […] L’effondrement de beaucoup de choses qui dans mon enfance
allaient de soi, l’émerveillement, une naïveté peut-être. Et c’est pourquoi
j’ai voulu fuir. La fuga mundi n’est
pas déshonorante. […] Devant l’effondrement d’une image de Dieu en moi, et
devant aussi cet effondrement de tout un visage institutionnel. »
François Cassingena-Trévedy, moine, a récemment tenu ces propos sur RCF. Je vous les livre alors que nous venons de lire une des pages d’anthologie de la mythologie de nos Ecrits (Mt 1, 18-24). Plus personne n’y croit, y compris ceux qui la défendent bec et ongles, persuadant les autres pour se persuader eux-mêmes que nous avons là LA vérité. Si l’on remet en cause les Ecritures, alors c’en est fait de tout ! Mais si c’est du bourrage de crâne, persuasion, ce n’est plus croire, fragilité d’une confiance gratuite. Certes, croire ne veut pas dire gober des choses que l’on n’accepterait pas s’il ne s’agissait précisément de foi. Croire, c’est pratiquer la confiance, c’est une vie avec l’autre, pratique de la différence.
Il ne s’agit nullement de remettre en cause les Ecritures. Il s’agit au contraire de les prendre au sérieux. Que disent-elles ? Que veulent-elles dire ? Est-il évident qu’elles veulent que nous soyons pris au piège de leur premier degré ? Dès les premiers Ecrits, en eux, l’allégorie est norme. Les auteurs ont fait comme ils ont pu pour dire ce que nul n’a jamais observé. C’est en étant dupe du genre littéraire ‑ celui d’un évangile de l’enfance pour ce qui concerne les textes d’aujourd’hui ‑ que l’on rate le texte comme un train. On reste à quai et l’on croit être en route. Prendre le texte dans le sens obvie est la manière de ne pas en faire cas, de ne pas écouter. « Ils ont des oreilles et n’entendent pas, des yeux et ne voient pas ! » Prétendre écouter le texte, le révérer, et tout faire pour nous laisser duper par le merveilleux, tout faire pour que ce soit tellement insignifiant, que cela ne change rien à notre vie.
Qu’y aurait-il à entendre dans le mythe de la conception virginale tel que rapporté par Matthieu ? Par exemple, les deux prénoms de l’enfant. Rien que cela devrait nous étonner plutôt que de nous transporter dans la féérie, le merveilleux. Il s’appelle Jésus ou Emmanuel ?
Si Emmanuel, « Dieu avec nous » est Jésus, « Dieu sauve », ici, maintenant, le monde est définitivement changé. Pouvons-nous rentrer chez nous comme avant ? Le mythe dit l’urgence de la subversion du monde par la conversion. C’est autre chose qu’une affaire de vierge enceinte du dieu ! Le vieil homme doit mourir pour que naisse l’homme nouveau ; le monde ancien s’en est allé. Le monde par nos vies est lieu de Dieu. Nous ne pouvons que vivre l’humanité comme fraternité.
Mais nous y croyons si peu. La preuve, nous vivons comme tout le monde, nous contentant de dire que Mt 1-2, c’est vrai, ça s’est passé, et d’aller à la messe. Nous ne croyons mais nous décrétons par une violence intellectuelle que la vérité est mythologique ! Et pendant ce temps, nous ne changeons rien. Allez vous étonnez du recul du christianisme !
La vérité des Ecritures n’est pas la répétition d’une figure comme l’on répétait ses tables de multiplication. Elle est manducation comme à la table eucharistique jusqu’à transformer nos vies. Si un tant soit peu nous vivons l’Emmanuel, alors il va de soi que Jésus, que le monde est déjà sauvé, destiné à la vie. Le salut pas plus que l’être avec nous de Dieu n’est un truc pour demain, quand nous serons tous morts. C’est maintenant.
Merci pour ce commentaire aussi lumineux, qui me renvoie au témoignage de Raphaël Buyse (Autrement l'Evangile, Bayard, 2021)
RépondreSupprimerD Rivière (dernier livre: "Foi dite en Cantal" Eivlys ed 2022)
Je ne considère pas la conception virginale de Jésus dans le sein de Marie comme un mythe. Cette réalité est plutôt pour moi le signe de l'irruption de Dieu dans nos vies à sa manière , en nous déstabilisant.
RépondreSupprimerPour moi aussi la Virginité de la Marie n est pas un mythe c est l action de l Esprit Saint en elle qui fait qu elle nous donne son fils
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