Le prophète Isaïe que citent les versets de l’évangile de
Luc (3, 1-6) ne peut supporter le monde tel qu’il est. Le mal est intolérable
et n’a pas sa place sur cette terre. Les ravins non seulement doivent être
comblés mais ils le seront effectivement. Fini d’en baver pour rien, de faire
des détours sur des routes impraticables.
La vie de l’homme est pleine de promesses. Tout serait si
bon sans la mort, sans le mal, sans la souffrance et les incompréhensions. Tout
serait si beau si les activités n’étaient qu’arrêt du travail, non pas que l’on
s’embêterait sans cesse, mais que l’on serait comme à l’école… ‑ selon l’étymologie ! ‑
à jouir d’activités gratuites, pour le plaisir.
La création est grosse et lourde des promesses qu’elle n’a
pas tenues. C’est pour cela qu’elle se transforme en enfer, au moins parfois,
qu’elle est vallée de larmes ou espace de distraction, parc à thèmes ou jardin
clos qui isole du monde par des grands murs, stratégie pour que l’on ne voie
rien, ne souffre rien de cette tromperie.
Il se pourrait que celui qui admire la création et en use
avec joie ne soit qu’un masochiste ou un petit homme, rabattant le plaisir à l’illusion
dont il croit pouvoir jouir, oubliant pour mieux dormir et ne pas déprimer, l’immensité
des promesses dont elle témoigne, la générosité et la bonté sans limite du
Créateur.
Isaïe n’est pas de ceux là. Non, il n’est pas bon ni normal
qu’il y ait ravins et routes tortueuses pour que l’homme en bave à trimer comme
un bœuf ou un âne ! C’est une assurance, cela finira : Tout homme verra le salut de Dieu.
Est-ce à dire qu’il faudrait que la création apparaisse
comme horrible pour qu’un sauveur soit nécessaire et crédible ? Je crois
plutôt que ceux qui n’ont pas vu l’horreur de la création, ou ceux pour qui sa
beauté l’emporte sur son horreur, se sont soigneusement emmurés dans des
paradis idéaux. Des milliers d’enfants meurent chaque année de faim, du palud
ou que sais-je ? Mais mieux vaut ne pas le savoir. Nos pays sont prospères
à en asservir d’autres, mais qui veut le voir ? On n’écoute pas RFI en Europe
ou en France. Il faut aller sur internet, et qui y va ?
Tout va très bien madame la marquise. Mon neveu se drogue ;
tout va très bien. Cet homme qui me méprise sûr de sa vérité ; tout va très bien. L’enfant
et la femme violés ; tout va très bien. Les sans-abris et la crise ; tout va très bien. On se
tue à Gaza, prison à ciel ouvert ; tout va très bien. En Syrie ? Tout
va très bien. En Egypte, au Mali, au Congo, à Madagascar ; tout va très
bien. La criminalité organisée elle aussi se mondialise, trafic de filles pour
la prostitution, meurtres en série, corruption des pouvoirs légitimes ;
tout va très bien. Les scandales de pédophilie, les abominations du fondateur
des Légionnaires du Christ, les vols d’enfants en Espagne. Tout va très bien.
Ne trouvez-vous pas que ce coucher de soleil sur la mer est superbe ?
Voilà pourquoi nous attendons le Seigneur. Non pas pour
demain, mais aujourd’hui. Non pas le bras ballants, mais les manches retroussés
pour dénoncer le mal, soulager les souffrances, combler quelques ravins et
araser deux ou trois montagnes. Mais c’est un travail de titan, il faut sans
cesse recommencer, tout semble renversé en un claquement de doigt. Voilà
pourquoi, alors même que nous nous démenons, nous espérons, voilà que nous
démenons pour espérer : tout homme
verra le salut de Dieu.
C’est la prophétie du Baptiste. On ne sait encore rien de
Jésus. L’évangile de Luc commence à peine. Les deux chapitres de l’enfance n’ont
rien de descriptif et là où nous en sommes, on n’a pas encore vu Jésus. C’est
mieux que Molière. Luc retarde l’entrée du personnage principal pour qu’on l’attende
davantage Avec ce début de chapitre 3, on parle de lui, on exprime son attente,
une attente dont l’issue imminente rend le retard intenable.
Est-ce vrai ? Tout homme verra-t-il le salut de Dieu ?
Et nous, l’avons-nous vu ? Le voyons-nous ce salut ?
Si vous le cherchez, un indice. Il est là où l’on meurt. J’ai vu la misère de mon peuple dit Dieu à Moïse. Jésus est pris aux entrailles devant ces foules qui sont comme des brebis sans berger. Si tu veux voir le Sauveur, ouvre les yeux sur la détresse de tes frères. Là, tu le verras. Tout homme qui court au secours de son frère, assurément, voit le salut de Dieu.
Si vous le cherchez, un indice. Il est là où l’on meurt. J’ai vu la misère de mon peuple dit Dieu à Moïse. Jésus est pris aux entrailles devant ces foules qui sont comme des brebis sans berger. Si tu veux voir le Sauveur, ouvre les yeux sur la détresse de tes frères. Là, tu le verras. Tout homme qui court au secours de son frère, assurément, voit le salut de Dieu.
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