Qu’est-ce que confesser ses péchés ? La réponse est
supposée tellement connue, tellement évidente aussi, qu’il est presque
provocateur de poser la question. Tout le monde le sait et à quoi servirait de redire
des banalités ?
Mais il n’est pas certain qu’il en aille ainsi. Un indice de
cela, indice partiel certes car les choses sont complexes, la désaffection du
sacrement de la réconciliation. Si le nombre de pratiquants réguliers s’établit
à quelques pour cent en France, le nombre de ceux qui se confessent
régulièrement parmi ces pratiquants réguliers est clairement insignifiant.
Pourquoi cette célébration ? Car il s’agit bien d’une
célébration, ce qui se voit dans la liturgie pénitentielle, mais est aussi le
cas pour la confession auriculaire. La restauration conciliaire demande à ce
que l’on prenne le temps d’une liturgie de la parole, que l’on écoute un texte
biblique, y compris au confessionnal. Qui le fait ?
La crise de ce sacrement me paraît résider dans la contradiction
en laquelle nous nous enfermons. Pour être bien sûr d’être dégoûtés de la
confession, d’avoir de bonnes raisons de ne pas nous y rendre, nous en faisons
autre chose que ce qu’elle est.
Une célébration, cela veut dire qu’il n’y a pas autre chose
à faire pendant ce temps, récitation du chapelet, adoration eucharistique, ou
je ne sais quelle dévotion privée ou publique, comme si le sacrement de la
réconciliation n’était pas assez important à lui tout seul. Voilà qui le disqualifie
encore, sans que, bien sûr, c’était ce que l’on cherchait à faire !
Une célébration, mais de quoi ? Nous ne célébrons
jamais que le Seigneur. Nous sommes venu chanter la louange du Seigneur qui
restaure sans cesse en nous son image. Nous sommes venu répondre à son amour
qui toujours nous précède. Point besoin du sacrement pour être restaurés. Ne
croyons pas que Dieu attend le sacrement pour nous purifier ! Mais ce que
Dieu ne cesse de faire, nous le célébrons, nous le confessons et ainsi
l’accueillons encore. Nous sommes venu non pour dire notre péché, mais pour
chanter la bonté de Dieu, pour confesser notre foi en ce Dieu qui ne cesse de
nous modeler à son image.
Mais direz-vous pourquoi faudrait-il opposer confession des
péchés et célébration de la bonté de Dieu ? De jure, cela ne s’oppose pas mais va au contraire de paire : je rendrai grâce au Seigneur en confessant
mon péché. Et cependant, de facto,
l’aveu des péchés est précisément ce qui fait que l’on déserte le sacrement,
que l’on s’interdit de rendre grâce au Seigneur pour sa miséricorde,
d’accueillir cette miséricorde. Nous ne voulons pas paraître avec nos vilenies
devant le prêtre ou qui que ce soit ; nous pouvons nous débrouiller seul
en conscience à demander pardon et le sacrement devient inutile, ne fait plus
sens.
J’avais un confesseur qui pendant l’aveu disait tellement
fort « ben oui, ben, oui » qu’il n’en entendait rien. Je crois que
c’est exactement l’attitude du Seigneur qui ne veut rien entendre de nos péchés,
qui a déjà assez souffert de voir ses enfants enlaidis par le masque du péché
pour qu’il n’y ait pas encore à revenir là-dessus. Il veut restaurer en nous
son image et non nous entendre nous dépeindre amochés par notre faute.
Rappelez-vous la parabole du fils prodigue. Le pécheur avait
préparé son boniment : Père, j’ai
péché contre le ciel et contre toi, je ne mérité plus d’être appelé ton fils,
traite moi comme l’un de tes ouvriers. Le Père interrompt son fils car il
est hors de question d’entendre l’horreur de son humiliation. Comment
pourrait-il ne plus être fils ? Comment pourrait-il être traité comme un
des ouvriers ? Arrêtons, ces aveux nous font nous détester alors que Dieu
nous aime quoi qu’il en soit de nos fautes. Il met nos péchés au loin, aussi
loin qu’est l’Orient de l’Occident, ce n’est pas pour que nous nous vaudrions
dans le ressassement de nos horreurs.
Nous médisons de nous-mêmes alors qu’il s’agit de confesser
la grandeur du pardon, de l’amour divin. C’est le monde à l’envers, la foi à
l’envers. Il n’y a pas de quoi s’étonner que nous fréquentions si peu ce
sacrement. Que le scrupuleux se convertisse, que l’obsédé de la conscience et
de son examen ramasse ses billes ou bien considère ce qu’il pense le meilleur
comme un péché auquel il doit renoncer de façon contrite.
Mais alors que faisons-nous devant le frère
prête ? Nous venons dire la grandeur de la miséricorde de celui qui
nous refait à son image. Nous pouvons exprimer le trouble où nous jette notre
faute, non pas une liste de méfaits, mais telle difficulté dans notre vie dans
laquelle nous voulons convoquer le Seigneur pour que ce prince de la paix
vienne installer le règne de son Dieu et Père. Nous venons peut-être
chercher un conseil.
Nous venons, quoi que nous disions, exprimer que de
nous-mêmes, nous ne pouvons rien faire. Nous implorons la présence de celui
qui doit venir renouveler la face de la terre comme il renouvelle en nous notre
esprit. La sainteté, c’est lui qui nous la donne, non pas nous qui cherchons à l’atteindre.
Nous pouvons seulement l’accueillir. Nous accueillons un amour tel que notre cœur
bondit, plein de joie, d’avoir été refait à l’image du Créateur, du Dieu trois
fois saint.
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