Nous concluons aujourd’hui la semaine de prière pour l’unité
des chrétiens. Les textes du 3ème dimanche nous invitent à la
conversion. Jésus n’a pas encore pris son autonomie par rapport au Baptiste. Il
appelle à la conversion plus qu’il n’appelle les pécheurs. Il n’a pas encore été
pris aux trippes comme un bon pasteur par des brebis abandonnées. Il n’a pas
encore ciselé une des répliques sans appel dont il a le secret. Cela ne tardera
pas, dès le chapitre suivant : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de
médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les
pécheurs. » (Mc 2, 17).
L’appel
à la conversion sera alors modifié. Ce n’est pas nous qui nous convertissons.
Nous tâchons seulement de nous laisser convertir par le Seigneur, de nous
laisser accorder à sa volonté. En ce qui concerne l’œcuménisme aussi, c’est
sans doute la seule voie possible. Dans la prière qu’il composait pour cette
semaine de prière, l’abbé Couturier parlait de l’unité des chrétiens, telle que la veux le Seigneur, par les moyens qu’il
veut. Accepter de ne pas savoir la forme de l’unité permet de se convertir
à ce que l’on était incapable d’imaginer.
Petit
rappel historique. Depuis les origines de l’Eglise, les chrétiens se divisent.
Parfois, ils se réconcilient, parfois ils s’excluent. Le Nouveau Testament est
témoin de ces tensions dans les Actes de Apôtres ou dans le corpus johannique. D’abord,
ceux qui se coupent de la « Grande Eglise » représentent une
minorité, dans des aires culturelles souvent assez éloignées. L’exception
arienne étonne, et c’est grandement à des stratégies politiques et d’alliance
avec Rome, de Constantin ou de Clovis, que la Grande Eglise s’est maintenue.
Vint une
autre séparation, en 1054, entre romains et orientaux, ceux que l’on appelle les
orthodoxes. Mais ils sont loin, pour nous autres latins, ces orientaux ; depuis
des siècles, nous n’avons plus la même culture. Chacun vit chez soi, sans jamais
ou presque croiser l’autre. Certes, les conciles de Lyon, au XIIIe siècle,
essayèrent une union, mais elle était inacceptable pour les Grecs !
En 1517,
bientôt 500 ans, Luther ouvrait la Réforme sans le savoir. Son excommunication constitue
une quasi première : des chrétiens, dans une même aire culturelle et
géographique, vivent la division. Les guerres de religions disent l’ampleur du
traumatisme. Les catholiques ont alors pensé que l’unité ne pourrait se faire
que par le retour au bercail des hérétiques. On est prêt à réconcilier les
personnes, pas à reconnaître le bien fondé de la théologie des autres ni la
faiblesse, voire l’errance de la nôtre, sans parler des pratiques.
Pie XI
en 1928 condamne le mouvement œcuménique par lequel « les esprits des
mortels » se laisseraient aller au syncrétisme, au faux irénisme et au
relativisme. Or la vérité catholique ne fait pas nombre avec les autres ! Vatican
II renverse la perspective et donne raison aux quelques aventureux qui osaient
la rencontre et même la prière avec ceux que l’on appelle désormais les frères
séparés. On apprend à se connaître, on passe de l’opposition à la confiance, on
parle de Celui qui nous unit, plus que de ce qui nous sépare.
Dans les
dernières décennies, avec la mondialisation et l’apprentissage du pluralisme, ramener
tout le monde sous un même chef apparaît impossible. Se fait jour l’idée que l’unité
ne sera pas uniformité, que l’unité est communion, qu’elle appelle la diversité.
Certes l’institution s’accorde avec la piété pour freiner ce qui toucherait à l’identité
dogmatique ou dévotionnelle. Certes, la politique, en Europe de l’Est ou dans d’autres
parties du monde, interfère-t-elle avec la foi, pour des raisons identitaires, encore.
Mais que de chemin parcouru ! Que de conversion que le temps a permis,
au-delà de ce qu’on aurait pu imaginer !
Aujourd’hui,
il nous faut parvenir au partage de la coupe eucharistique, tout en étant
différents, chrétiens unis, dans un monde en quête d’unité, de fraternité, de
paix. Il nous faut reconnaître qu’une théologie différente n’est pas forcément
fausse ni contraire encore moins contradictoire. Il nous faut reconnaître que
dans nos manières de faire, il y a des choses qui pour compréhensibles qu’elles
puissent sans doute être, heurtent les autres, voire sont erronées, y compris
dans la pratique sacramentelle et ministérielle.
Nous
sommes convoqués à une purification par l’évangile de nos pratiques et de nos catéchismes,
à une conversion de nos confessions religieuses. Nos Eglises ont l’air de
chapelles lorsqu’elles s’opposent alors qu’il y a urgence à annoncer un
évangile de liberté et de réconciliation pour tous les hommes. Aucune Eglise n’a
fini d’écouter la Bonne nouvelle. Heureuses sont-elles : ce sont les
pécheurs que Jésus est venu appeler !
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