15/10/2021

« Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi » Mc 10 (29ème dimanche du temps)

En plein centre de l’évangile de Marc, il y a la transfiguration. Sans rien comprendre, trois des Douze commencent à entrevoir que l’homme de Nazareth n’est pas seulement quelqu’un d’extraordinaire, un ami comme l’on a peu de chance d’en croiser. Dans sa vie, dans ses relations avec les autres, dans sa prière, se joue quelque chose de Dieu.

Pierre, Jacques et Jean n’en sont qu’au pressentiment. Ils ne comprennent pas. Ainsi s’ouvre la seconde partie de l’évangile. Loin de mener à la dissolution de l’obscurité, le texte décrit l’incompréhension grandissante : tous auront déserté à l’heure de la croix.

Marc ne raconte pas la résurrection, quasiment. On en reste à l’incompréhension qui touche avec les Douze tous les disciples dont les femmes. La mort de Jésus n’est pas une mauvaise passe à surmonter, elle est le dernier mot. La mort, c’est toujours définitif.

Le chemin qu’ouvre la croix ne se situe pas dans le prolongement du compagnonnage ordinaire avec Jésus. Cela, s’est fini, et avait commencé à finir depuis au moins l’incompréhension de la transfiguration. Le chemin ouvert dans la mort décale les attentes, forcément déçues ; c’est la profession de foi d’un type dont on ne sait rien si ce n’est qu’il est centurion à surveiller l’exécution de Jésus. Il n’est jamais dit qu'il soit disciple. Sa déclaration cependant, « pour de vrai, cet homme était le fils de Dieu » est la clef de l’évangile de Marc.

On pourra se demander comment ce type peut jouer un tel rôle. La vérité de l’évangile ne peut résider dans l’Eglise-sans-les-autres ; ceux dont on ne sait rien du rapport à la foi font advenir la vérité de l’évangile y compris pour l’Eglise. Ceux « du dehors » font advenir l’Eglise. C’est bien la preuve qu’ils sont associés au dessein de salut de Dieu.

On devra se demander comment il se fait que les Douze et les femmes, qui ont connu Jésus, ne soient pas, chez Marc, les témoins de Jésus. Importe à Marc l’incompréhension des proches, des plus proches, les Douze et les femmes, l’incompréhension de l’Eglise.

Juste avant la transfiguration, Pierre s’était fait traiter de Satan par Jésus. L’incompréhension n’a ensuite fait qu’enfler avec les deux autres annonces de la passion, les propos sur les enfants qui renversent les hiérarchies sociales, une première discussion sur la grandeur, l’opposition de Jésus à toute confiscation de la mission, l’impossibilité du salut pour les hommes, et une deuxième discussion sur la grandeur (Mc 10, 35-45) que nous venons d’entendre. L’escalade de l’incompréhension est telle que cela ne pourra que mal finir.

Pour Marc, ainsi que le constate le centurion, la mort de Jésus opère un renversement. La puissance des puissants est renversée, l’humilité, l’écrasement au sol, à l’humus, des petits est exaltation (ce que chante le Magnificat). Le maudit qui pend au gibet est fils de Dieu. La seule manière de construire un monde autre, le monde selon Dieu, le royaume, c’est le chemin du serviteur, pire, de l’esclave. Il faut en finir avec la réduction des autres à l’esclavage, comme on l’a fait et le fait encore aujourd’hui, par le biais de l’économie par exemple. La mort de Jésus nous convoque à vivre en forme d’esclave. Que tous se fassent esclaves les uns des autres, et il n’y aura plus de puissants pour écraser leurs frères.

« Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous : car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

Il y aura désaccord entre nous. C’est saint(t), c’est la bénédiction de Babel. Mais si nous sommes au service, cela ne sera ni la violence, ni l’oppression. Le monde des esclaves n’est pas la revanche des faibles sur les forts et les puissants ; il est la dissolution des puissances dans la magnanimité de celui qui, en prenant forme d’esclave, ne retient pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.

1 commentaire:

  1. "Ceux « du dehors » font advenir l’Eglise. C’est bien la preuve qu’ils sont associés au dessein de salut de Dieu".
    C'est ce qui est entrain de se passer et c'est évangélique
    Christiane

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