29/10/2021

Retrouver ceux que nous avons aimés ? (Commémoration des défunts)

(1 Co 15, 16-28 / Jn 11, 20-27)


Que se passe-t-il après la mort ? Nous retrouverons-nous ? Retrouverons-nous ceux que nous avons aimés ? Mais alors comment ? Lorsqu’ils étaient jeunes, ou que nous l’étions ? Lorsque nous étions amis, ou en froid ?

Penser la résurrection comme prolongement de cette vie a fort peu à voir avec l’évangile. Ce qui n’est qu’une manière de nous consoler de la perte irréversible de nos amours, de notre chair en celle des autres, de nos relations n’est qu’illusion, et l’incarnation de Jésus se méfie des illusions, elle convoque à la facticité la plus brute, voire brutale.

Avec la mort, c’est fini. Et c’est bien pour cela que c’est tellement douloureux. En même temps, heureusement, nous sommes débarrassés de ceux qui nous empêchent de vivre. Ils sont débarrassés de nous, ceux que nous empêchons de vivre. Et les situations où les agresseurs sont notre mort font qu’il serait infernal de se retrouver après la mort.

En outre, que me fait de retrouver, dans trente ou cinquante ans, lorsque je mourrai, ceux que j’aime, alors que j’ai appris, que je le veuille ou non, à vivre sans eux ? Ne voudrais-je pas aussi connaitre ceux que je n’ai jamais rencontrés et dont on m’a tant parlé… mais pas les bourreaux ni les assassins. Pourrait-on éliminer certains de notre cercle céleste de relations et choisir de vivre avec ceux que nous avons aimés au-delà de ce que nous pouvons même en dire, ceux qui continuent à nous constituer, même décédés ? Rien de cela n’a de sens.

La résurrection de Jésus, la résurrection promise par Jésus, c’est lui, Jésus Il est la résurrection et la vie. La vie des morts, ressuscités, est une personne, Jésus. La vie des morts est entrée, par Jésus, dans l’intimité de la vie de Dieu, communion du Père, du Fils et de l’Esprit. De sorte que la vie après la mort, c’est, si je puis dire, la même chose que la vie maintenant, la communion avec Jésus, c’est-à-dire avec les frères.

Les frères, pas seulement deux ou trois de la fratrie, mais l’humanité dont nous ignorons tout et qui pourtant nous est indispensable, les gamins qui travaillent dans les mines à extraire les métaux lourds, les pauvres que notre richesse exploite afin d’être richesse. Nous ignorons tout d’eux, nous voulons mêmes les ignorer. Mais que serions-nous sans eux ?

La résurrection qu’est Jésus est la révélation de cette humanité qui, même dans le crime, nous aura fait vivre. C’est la justice rendue. Une justice qui rétablit et la victime et le coupable. Une justice qui fait que le coupable n’a pas honte de paraître devant sa victime restaurée, non pas superbe mais reconnaissant son crime. Et nous sommes tous la victime et le bourreau de nos frères. Jésus fait toute choses nouvelles. Il transforme tout en vie. Voilà pourquoi l’univers peut être réconcilié, pourquoi d’ennemis, il n’y aura plus.

Rendez-vous compte, si c’est cela la résurrection qu’est Jésus, alors bien sûr, c’est aussi avec ceux que nous avons aimés. Mais ces derniers pas sans les premiers au point que tout est renouvelé, que cela ne peut pas être le prolongement de cette vie, qu’il n’y a pas de sens à dire que nous nous retrouverons, mais seulement que Dieu sera tout, en tous.

La mondialisation et la crise écologique nous font être plus conscients de tout ce que nous devons aux autres et à la terre, à l’univers. Les anciens, avec les sacrifices offerts en réparation de ce qu’ils prélevaient sur la nature savaient cela autrement. C’est l’univers transfiguré que nous espérons lorsque nous confessons que Jésus est la résurrection et la vie.

La récapitulation, comme dit Irénée de Lyon à la suite du disciple de Paul, est la mise sous une seule tête, Jésus, principe de vie, de tout ce qui est appelé à vivre, y compris l’univers. Nous la réduirions à bien peu s’il s’agissait seulement de retrouver les nôtres. Notre désir, immense, de les retrouver, dit une si petite part de ce à quoi nous sommes destinés, qu’il en est faux. Nous ne savons pas même imaginer ce que cela peut être vivre sous l’ère de la récapitulation de tout l’univers en Christ, La seule chose que nous puissions en dire, c’est Jésus lui-même, remettant au Père un monde vivant et libéré du mal ; c’est la vie avec le Père, le Fils et l’Esprit dans laquelle a désormais place le monde, place préparée dans la maison du Père.

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