L’évangile de Matthieu ne parle que cinq fois des pécheurs sur plus de 18 000 mots. On n’y trouve la racine « péché » que quatorze fois. On ne peut pas dire que ce soit un thème central ! Sur les cinq occurrences de pécheur, trois sont placées dans le contexte de la table. « Il mange avec les pécheurs ».
Dans le récit de la passion (Mt 26-27), la commensalité de Jésus n’est pas arrêtée par l’imminence de la mort. A sa table, des pécheurs, même si le mot n’est pas employé ; seulement des disciples, même si nous renâclons à l’admettre. « Celui qui s’est servi au plat en même temps que moi, celui-là va me livrer. » « Je ne connais pas cet homme ! »
« Les souffrances de l’Eglise viennent de l’intérieur même de l’Eglise, du péché qui existe dans l’Eglise. Cela, on l’a toujours su, mais nous le voyons aujourd’hui de façon réellement terrifiante : la plus grande persécution contre l’Eglise ne vient pas d’ennemis du dehors, mais elle naît du péché dans l’Eglise, et l’Eglise a donc un profond besoin de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice ». (Benoît XVI, 11 mai 2010)
Célébrer la passion du Seigneur et prendre part à sa table, c’est reconnaître notre péché, non formellement, rituellement, mais en vue de la conversion. « Nous laissons-nous changer par Jésus, ou bien est-il seulement une idée, une idéologie ? » interrogeait François lors de l’audience de ce mercredi.
Il y a urgence à s’abstenir d’adorer, de louer, de célébrer. C’est l’enseignement de toutes les Ecritures. Assez du culte, assez des traditions religieuses ! Des fils et filles d’homme se meurent, sont méprisés, ignorés, assassinés. La passion du fils de l’homme n’est pas achevée. Le corps du Christ se déchire. C’est sacrilège de communier alors que nous sommes solidaires de la violence dans l’Eglise. Même chose pour l’écrasement des frères par un ordre mondial inique, des lois anti-immigrations qui contreviennent aux droits de l’homme, des manières d’administrer le droit d’asile qui avilissent les personnes. Le traitement réservé aux mineurs isolés en France n’est que le sommet le plus révoltant de l’iceberg, qui pourtant mobilise notre pays infiniment moins que l’avenir économique !
Passion et résurrection ne sont le cœur de la foi qu’à être le renversement dès maintenant de la mort et du mal dans notre société et dans l’Eglise. « Sang versé pour la rémission des péchés. » L’eucharistie n’est pas religieuse ; elle est politique.
C’est un païen, pas un disciple, qui prononce la profession de foi : « Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu ! » Faudrait-il ne pas être disciples pour être disciples ? La discipline du Christ n’est pas un état, une tradition, une identité, mais une tâche.
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