24/03/2023

La résurrection est une personne (5ème dimanche de carême)

« Je suis la résurrection et la vie. » (Jn 11) Avons-nous bien entendu ? La résurrection est une personne ! Qu’est-ce que cela peut signifier ? Sans doute bien autre chose que ce que nous comprenons habituellement par résurrection, un retour à la vie après la mort pour reprendre une existence « où nous nous retrouverons », dégagés de toutes entraves.

La foi en la résurrection concerne-t-elle l’après-mort ? Si oui, en tout cas, elle ne s’y réduit pas. L’entretien avec Nicodème au début de l’évangile de Jean ne concerne nullement l’après-mort. C’est ici et maintenant qu’il « faut naître d’en-haut ». La vie nouvelle est moins une autre vie qu’une nouvelle manière de vivre parce que, pour beaucoup, la vie est mort.

Il est possible, et peut-être même nécessaire, de ne rien savoir à propos de l’au-delà, comme l’on dit. Nous savons, un peu, ce qu’il en est de l’en-deçà de la mort et c’est là qu’il faut être « vivant jusqu’à la mort », vivant jusqu’au bout. Les malades de dégénérescence cérébrales ne peuvent plus former cette pensée, mais ceux qui les accompagnent peuvent, comme pour le reste de l’existence, prendre en charge les conséquences de la dépendance pour que chacun demeure vivant, même grignoté, bouffé, dévoré par la maladie.

Paul Ricœur écrivait : « Je dis : Dieu, tu feras ce que tu voudras de moi. Peut-être rien. J’accepte de n’être plus. Alors, une autre espérance que le désir de continuer d’exister se lève. » Cette « autre espérance », le philosophe reste pudique à son propos, commente une journaliste. Je ne sais ce qui lui permet d’ajouter que Ricœur laisse ce poignant testament en clair-obscur, où perce une fine et puissante lumière.

C’est le génie de l’évangile de lester ce monde d’un poids d’éternité au point que, n’y aurait-il rien d’autre que cette vie, l’espérance serait d’avoir traversé l’existence « en faisant le bien », comme le Maître. Si peu, certes, mais tout de même. Espérance plus diaphane et blême encore qu’une vie après la mort, elle convertit à la sollicitude envers autrui. Arrimer la sainteté, la spiritualité à la glèbe. Dieu n’est pas l’au-delà, mais le présent, don pour la vie du monde. Passer en faisant le bien...

Nous mesurons la grandeur de « cette autre espérance », effectivement fine et puissante. Apporter sa pierre à la construction d’une humanité que tant de haines et de maladies s’acharnent à saper. Etre pierre dans la construction qui a Jésus comme fondation pour que l’humanité trouve un refuge et une auberge pour la fête dans la maison commune.

La volonté, peut-être déjà anciennement chrétienne d’un Baden-Powell de laisser ce monde un peu meilleur que nous l’avons trouvé, c’est bien beau. Mais lorsque les années s’amoncellent, lorsque tant de ceux que nous avons aimés ne sont plus, lorsque l’on est lucide sur sa propre existence, la tristesse et le désespoir ont bien des raisons de nous saisir. « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » disent tour à tour Marthe et Marie.

Mais justement la résurrection en personne ouvre les tombes. Non comme une présence qui obstrue la béance de l’absence, qui comble, il est là comme celui qui manque, ainsi que nos défunts, plus encore que de leur vivant, précisément par leur absence. Une absence qui hante. Mortel et mort, il affirme être lui-même la résurrection et la vie.

Jésus est la résurrection parce que la résurrection est la présence de Dieu dans la mort. C’est un acte de création qui relève parce que Dieu s’y tient. Dieu est la réalité de la résurrection.

L’affirmation johannique de Jésus est de celle que recoupe l’expérience de disciples, lorsque passer en faisant le bien n’est pas de leur fait, mais de ce qu’ils essaient de laisser paraître de leur maître. Ce n’est peut-être guère héroïque de faire le bien « à cause de Jésus », mais enfin, c’est toujours ça de pris. Cela évite le contentement de soi si acerbement critiqué par Platon et la prétention pharisienne d’être quelqu’un de bien.

Les disciples ne savent guère quand ils font le bien, affairés qu’ils sont à suivre le maître, au service des autres. La question, ils ne se la posent pas. Ils ont autre chose à faire. L’enfer d’ailleurs est pavé de bonnes intentions ! La sollicitude envers autrui permet l’estime de soi parce que le plus court chemin de soi à soi passe par autrui. Qui criera au manque de verticalité sera passé à côté de l’heureuse annonce. Si le visage du Seigneur pouvait luire en ce monde… Ce serait renaissance, naître d’en-haut par qu’il est la résurrection et la vie.


Eglise Saint-Georges, Marseille

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire