Dans les deux lectures que nous venons d’entendre (So 3, 1-2.9-13 - Mt
21, 28-32), les pécheurs, ou ceux qui n’ont pas choisi la « bonne » attitude, sont
membres du peuple de l’Alliance. Il n’y a pas les bons, ceux qui seraient
croyants, et les mauvais, ceux qui s’en prennent à la communauté, à la vérité
de l’évangile ou de l’enseignement de l’Eglise. Ici, la Parole s’adresse à
nous, nous disciples.
Le problème, le drame, c’est que le péché infecte jusqu’à
nos communautés, jusqu’à notre cœur à nous, qui prétendons faire de la loi de
sainteté notre guide dans la vie. Les dix commandements à partir desquels nous
faisons notre examen de conscience, c’est nous aussi, qui les foulons aux
pieds.
Si le peuple de l’alliance, celui qui est chargé par sa
simple présence, de témoigner de la sainteté de Dieu, est perverti, qui parlera
pour Dieu ? Le peuple chargé d’être une bénédiction pour les Nations parce
que Dieu habite en son sein, s’il est pécheur, empêche que d’autres puissent
connaître Dieu, se fier à lui. Le drame de notre péché, c’est assurément le mal
que nous faisons au frère, c’est aussi la lutte la plus efficace contre Dieu.
Notre péché fait le lit de l’indifférence, de l’athéisme voire de la haine de l’évangile,
au moins autant que le vice des autres ou leur lutte acharnée contre l’Eglise
et l’évangile.
Ce n’est pas d’aujourd’hui. Déjà Sophonie ne sait que faire.
Il opte pour la solution du petit reste, une poignée de purs sur qui compter
pour régénérer le peuple. Je suis désolé de contredire le prophète, mais ça ne marche
pas son truc. Cela conduit le peuple de Dieu, à vocation universelle, à la
secte. Pire, y en a-t-il un seul d’entre nous pour faire partie des purs ?
La solution de Jésus, si je puis dire, consiste dans une
démarche exactement inverse. Plutôt que de chercher les quelques purs, on
affirme que ceux qui précèdent dans le Royaume sont les pécheurs, les pécheurs
publics. Je ne suis pas certain que l’on ait jamais bien entendu cela dans
notre Eglise.
Y a-t-il une condition à pareille préséance ? Condition
n’est pas le mot. Car l’amour de Dieu est toujours sans condition. Mais enfin,
ce n’est pas n’importe quel pécheur qui fait la volonté du Père. C’est le
pécheur qui se reconnaît pécheur, celui qui ne se croit pas meilleur que les
autres, prêt à jeter la première pierre. Pour ne pas jeter la pierre nous
aussi, nous éviterons de faire l’examen de conscience des autres et de désigner
les pharisiens.
La parole de Jésus est terrible. « Vous, après avoir vu
cela [la conversion des salauds], vous ne vous êtes même pas repentis plus tard
pour croire à la parole. » La conversion des salauds est le signe de ce qu’il
est possible d’en finir avec le mal. La solution au péché n’est pas l’affaire
de quelques purs, mais la foi en un Dieu capable de rendre saints les pécheurs.
Alors nous sommes ici pour nous reconnaître pécheurs. Non pour
nous flageller, nous humilier, nous complaire dans une liste de péchés malsaine.
En parlant de notre péché, ce serait encore nous que nous célébrerions en nous
mettant en scène, au centre la scène. Nous sommes ici, nous reconnaissant
pécheurs, pour laisser Dieu nous relever. Nous sommes ici pour entendre
proclamer dans nos vies, sur nos vies, la bonne nouvelle d’un amour infini qui
vient détruire le mal, celui dont nous sommes coupables, celui que nous
subissons.
Nous sommes ici, à nous reconnaître si loin de la sainteté,
pour que Dieu lui-même fasse briller sur nous sa sainteté. Ainsi le monde saura
qu’il y a un Dieu saint. Ainsi Dieu transformera le monde. Il fait toute chose
nouvelle.
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