La passion de Luc est la seule à raconter l’épisode du bon
larron. Dans la liturgie lyonnaise, il y a une fête du saint bon larron. Voilà,
un pécheur est pardonné, les pécheurs sont donc pardonnables. Il y a une issue.
C’est terrible à imaginer. Que l’on pense aux prêtres
pédophiles qui défrayent la chronique. Est-il possible de leur confier une
mission une fois leur délit ou leur crime prescrit ou jugé, la peine
purgée ? Il conviendrait d’abord de permettre aux victimes d’être
véritablement écoutées ? Beaucoup d’entre nous n’ont pas idée de leur
souffrance. Par les gestes de l’amour, oh perversion, ils ont été réduits à un
objet manipulable, sorte de sex toys.
La caresse, qui touche sans saisir, sert à agresser. Les femmes violées savent
cela. Au moment où l’on ignore tout de la sexualité, enfant, le ravage est pire
encore.
Je plaide cependant pour ma corporation. Pas tant celle des
prêtres que celle des pécheurs, même si le pardon est scandaleux. D’autant plus
scandaleux que la nouvelle chance n’est pas forcément offerte par la ou les
victimes ; elles n’ont pas été souvent sollicitées quand qu’il s’agissait
de faire de nouveau confiance au pécheur.
Comment pardonner sans insulter les victimes ? On ne
sait rien du crime de ces larrons. Il semble que Jésus n’ait rien demandé à
leurs victimes pour déclarer ouvertes à l’un d’eux les portes de la vie.
Le pardon en paradis, n’étant pas vérifiable, ne relevant
pas de ce monde, n’insulte peut-être pas les victimes. Pour les pécheurs, l’Eglise
ancienne avait prévu une pénitence publique qui ouvrait sur la réintégration.
Vous imaginez, comment les rescapés des persécutions pouvaient-ils prier de
nouveau avec ceux qui les avaient dénoncés ? Les débats ont été rudes.
Certains pensaient même qu’il fallait un nouveau baptême pour les traitres.
Nous lisons dans la passion de Jésus qu’une issue est toujours
possible. C’est incroyable tant cela paraît injuste. Pour ne point trop l’être,
il faut une authentique démarche de repentance, celle par exemple imposée aux
pécheurs publics dans l’Antiquité. Je retourne une citation de Jean-Paul II, en
2002, pour la journée mondiale de la paix. S’il n’y a pas de justice sans
pardon, il n’y a pas de paix sans justice.
La miséricorde est notre seul espoir et « Dieu ne veut
pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » Issue
salutaire pour la corporation des pécheurs. Mais le coupable ne peut exiger le
pardon, seulement espérer qu’il pourra vivre encore, vivre au milieu des autres,
encore, avec les autres. Seulement supplier, demander pardon aux frères ; à
l’opposé du prédateur sexuel qui s’approprie d’autorité, mendier le pardon.
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