Lectures: Is 1, 1-20 / Ps 49 (50) 16-23 / Lc 18, 9-14
Célébration pénitentielle
Célébration pénitentielle
Nous venons d’entendre les premières
lignes du livre du prophète Isaïe. Et quelle douche froide !
Le prophète nous transmet ses visions et l’on se fait engueuler ! Or, on
n’est pas là pour se faire engueuler, aurait pu chanter Boris Vian. Même si
nous avons conscience de nos péchés, puisque nous sommes-là, faut pas pousser. Ma parole nous on reviendra pas !
Acceptons d’entendre la magnifique
poésie du prophète. Le peuple que Dieu s’est choisi est rebelle. Il est pire
que les bêtes de somme qui au moins connaissent leurs maîtres ! Son crime
est partout au point que tout le corps est atteint de la pointe du talon au
sommet de la tête. Et rien pour la guérir, pour la soulager. La ville sainte
est en feu, dévastée, recroquevillée sur elle-même, simple cahute perdue au
milieu d’un champ de courges. Si le Seigneur ne laissait quelques survivants,
Jérusalem serait comme Sodome et Gomorrhe. Elle est Sodome et Gomorrhe, aussi
pervertie, au point que le Seigneur l’appelle ainsi.
Bien sûr, en Sion, on offre des
sacrifices au Seigneur, mais il en a ras le bol, ça lui donne la nausée. Les
jours de fêtes religieuses sont un pensum pour Dieu. Il détourne les yeux de
nos mains élevées, il ferme ses oreilles à nos prières répétées comme des
paroles magiques. Nous ferions mieux d’aller nous laver, et surtout de
pratiquer la justice, de respecter le droit, de dénoncer les violents.
Rendez-vous compte, c’est le peuple de
Dieu qui méprise Dieu ! Qui annoncera sa grandeur. Le peuple saint est
sacrilège. Où trouvera-t-on la sainteté ? En serait-il encore de même
aujourd’hui ? Les chrétiens seraient-ils les premiers ennemis du Dieu
qu’ils disent honorer ? Rien d’impossible à cela si le peuple de la première
alliance a déjà foulé ce chemin. On le sait, le culte n’est rien, pire, il est
sacrilège, simagrée, quand on méprise Dieu.
Pourtant, pourtant, rien n’est perdu.
Le Seigneur nous invite à une discussion. Et là, nos péchés seraient comme
l’écarlate, ils deviendraient blanc comme la neige.
Si vous avez la curiosité de lire le début de ce que l’on
appelle le deuxième Isaïe, à partir du chapitre quarante, vous verrez le changement de ton. Là, plus une accusation, plus une menace. Mais un
livre de consolation. « Consolez, consolez mon peuple, dit le Seigneur. Parlez au
cœur de Jérusalem et criez-lui que son service est accompli, que sa faute est
expiée, qu’elle a reçu de la main de Yahvé double punition pour tous ses
péchés. »
Le pardon est déjà la seule solution, dès le début du
livre d’Isaïe. « Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige
ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine
ils deviendront. » Ce pardon est déjà annoncé comme acquis avec le second
Isaïe. En Jésus, il se rencontre comme un homme au milieu des hommes.
Aussi, il nous reste à nous présenter simplement devant
lui, comme le publicain. Pas besoin d’une liste exhaustive, pas besoin de
casuistique ni de circonlocutions (parfois, mais bon, comme tout le monde, pas
beaucoup, un peu seulement). Nous sommes devant le Père qui déjà fait cuire le
veau gras pour le banquet. La faute est déjà pardonnée. Il nous a pris dans ses
bras et nous serre, pleurant de joie tout autant que nous. « Seigneur,
prends pitié du pécheur que je suis. » « Je vous le dis, il y a plus
de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit que pour quatre
vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de conversion. »
Traduction (à peine modifiée) par Pierre Alféri et Jacques Nieuviarts (éd. Bayard)
Vision vue par Isaïe,
fils d’Amots, sur Juda et sur Jérusalem, à l’époque d’Ozias, de Yotan, d’Achaz,
d’Ezechias, rois de Juda. :
Voûtes des ciels, écoute !
Terre, tends l’oreille !
Le Seigneur
parle :
J’ai élevé des fils
Je les ai fait grandir
Ils se sont rebellés contre moi.
Le bœuf reconnaît son patron
L’âne, la mangeoire de son maître
Israël ne reconnaît rien
Mon peuple n’entend rien.
Oh nation égarée
Peuple pesant son poids de crimes
Semence de scélérats
Fils pervers.
Ils ont désavoué le Seigneur
Refoulé le Saint d’Israël.
Foule recroquevillée
Où vous frapper encore ?
Vous en rajoutez,
Vous me rejetez.
La tête est toute atteinte
Le cœur se meurt
Du talon à la tête, il n’y a rien d’intact,
Meurtrissure, écorchure, morsure, encore à vif
Ni fermée, ni pansée, ni enduite d’huile douce.
Votre terre ? dévastée
Vos cités ? feu et flammes
Votre sol ?
Dévoré sous vos yeux par l’envahisseur
Par la terreur dévastatrice de l’envahisseur.
Laissée à l’abandon, la fille de Sion
Cabane entre les vignes
Cahute entre les courges
Ville barricadée.
Et si le Seigneur ne nous laissait un survivant
Nous serions proches de Sodome,
A l’image de Gomorrhe.
Ecoutez la parole du Seigneur
Dirigeants de Sodome
Tendez l’oreille quand notre Dieu donne le cap
Engeance de Gomorrhe.
Tous ces sacrifices pour moi :
A quoi bon ? dit le Seigneur.
Ils m’écœurent ces holocaustes de béliers
Ces graillons de veaux gras
Ce sang de taureaux et d’agneaux et de boucs.
Je n’y prends pas plaisir.
Quand vous paraissez devant moi
Qui demande à vos mains de fouler mon enceinte
N’en jetez plus, de ces offrandes creuses
J’ai horreur de l’encens
Et la nouvelle lune
Et le sabbat
Et le rappel qu’on bat :
Culte contraint et criminel
Je n’en peux plus
Et vos nouvelles lunes
Et vos jours fériés
Je les abhorre.
Ils m’épuisent, je les ai assez supportés.
Tendez les paumes de vos mains
Je détourne les yeux
Mouliez vos prières
Je n’y suis plus, je n’écoute plus.
Vos mains trempez de sang
Allez donc vous les laver
Allez vous nettoyer
Détachez le mal de vos actes
Que je ne le voie plus.
Mettez fin aux méfaits
Apprenez le bien
Recherchez le droit
Corrigez la brute
Défendez la veuve
Les droits de
l’orphelin.
Très bien, expliquons-nous dit le Seigneur
Vos erreurs écarlates
blanchiront comme neige
comme laine blanchiront les plus rouges
et si vous décidez
si vous m’avez écouté
vous mordrez dans les biens de la terre
si vous vous arc-boutez
si vous m’avez résisté
c’est l’épée qui
vous mordra.
Oui, la bouche du Seigneur a parlé.
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