Marie Balmary a écrit une tribune dans le journal La Vie (01.02.03) à propos du projet de
loi sur le mariage pour tous.
Avant tout, je veux dire le respect que j’ai pour la
personne et l’œuvre de Mme Balmary. J’ai lu tous ses ouvrages, je les ai
appréciés. Certes, je ne suis pas toujours d’accord. Des questions
épistémologiques me paraissent parfois ignorées dans le passage de la lecture
analytique au discours sur la foi, à la théologie. Son dernier texte, en
dialogue avec D. Marguerat, me semble marqué par une faiblesse : lorsqu’il
s’agit de parler du mal, jamais n’est envisagé ce que signifie ce mal pour la
victime, mais toujours du point de vue du bourreau, du responsable du mal. Ces
réserves son l’indice de ma lecture attentive et de ma reconnaissance pour l'ouverture
apportée, la visée vers d'autres perspectives, l'écoute attentive, en
particulier des textes, qui ouvre d'autres mondes, d'autres sens.
La récente tribune de Mme Balmary est reprise notamment sur
les réseaux sociaux, suscitant l’enthousiasme des opposants au projet de loi. Il
est souvent bien difficile de développer une véritable argumentation, y compris
avec des personnes modérées, rompues aux règles habituelles d’une discussion raisonnable,
rationnelle. Lorsque l’on demande des arguments, on nous renvoie à un autre
texte qui dirait la même chose. Cela ne peut servir de preuve ou argument.
Pour faire court, je ne retiens que le dernier paragraphe de
Mme Balamary : "La parole, que les tyrannies, les guerres, les colonisations,
les esclavages, les totalitarismes n’ont pu nous faire perdre, allons nous la
mettre en péril par des lois votées dans des assemblées démocratiques en temps
de paix ?"
Peut-on comparer légalisation des couples homos et de leur
possibilité d’adopter des enfants avec les pires crimes, notamment des crimes
contre l’humanité, esclavage et totalitarismes. Cette loi, pour l’heure, ne
fait que donner un statut à des couples et des « familles » recomposées
déjà existantes et permettra à d’autres « familles » du même genre le
même type de statut juridique. (Je mets des guillemets pour marquer, non ma
réticence à l’usage du terme, mais le fait que je sais qu’il y a discussion à
propos de cet usage).
Alors que Mme Balamary alerte sur ce que nous faisons de la
langue, peut-elle ne pas être attentive à ce qu’elle en fait ? Est-il
possible de comparer la légalisation de ce qui existe déjà, qui n’est pas
interdit, à des crimes contre l’humanité ? Pourquoi et comment des gens
intelligents en viennent à de telles absurdités ? Il est légitime d'être contre
le projet de loi, mais cela doit-il conduire à cette horreur et cette violence
? Je n'en reviens pas. Comme si l'amour de ce que nous pensons nous rendait à
la haine. Avec de tels arguments, il n'y a pas de débat, juste des anathèmes. L'amour des ennemis, en l'espèce, ne signifie-t-il pas un engagement à un type de débats, respectueux des adversaires, exigeant autant d'amour dans le désaccord que de probité intellectuelle et de justesse rationnelle dans l'affirmation de ses positions ?
Parle-t-on alors de la PMA ? Tant qu’elle était
réservée aux couples hétréos, elle ne faisait pas problème, et je ne parle que
de la PMA avec tiers. D'un seul coup,
c'est la subversion de la parole. J'ai toujours exprimé mes réserves quant à
cette PMA avec tiers. Je trouve qu'envisager que la PMA avec tiers soit autorisée
et de surcroît remboursée par la sécurité sociale est un scandale quand on sait
que l'enveloppe budgétaire de la santé est limitée et que des tas de gens n'ont
pas de quoi se payer les soins indispensables. Mais le problème n'est pas celui
des homos, mais celui de tout le monde. Pourquoi ne monter au créneau que pour
les homos ? N'y a-t-il pas déjà subversion du langage dans les familles hétéros
qui ont eu recours à cette PMA quand il faut dire Papa et Maman ? Qui s’en
inquiète ?Ou alors, si ce n'est ici rien que de normal, pourquoi hurler ?
Le tournant de la
parole dont parle Mme Balmary, le changement de civilisations que certains
perçoivent comme une fin du monde, ou pour le moins la fin d’un monde, n'est
pas cette loi, mais ce qu'elle entérine et qui est déjà fort ancien.
L'homosexualité n'est plus ni un délit ni une maladie. Dans ces conditions,
qu'est-ce qui empêche qu'elle soit une autre expression de la sexualité humaine
? Voilà le problème. Tant que l'homosexualité est une affaire privée, même si l’on
n’aime guère l’homosexualité, on fait avec. « On connaît tous des homos
qui sont des gens extra ! » Mais la sortie du placard que consacre la
loi agresse certains, de bons esprits notamment. Et la violence de leur
réaction est à la hauteur de leur phobie. Les enfants sont le moyen
politiquement correct de l’expression publique de cette phobie.
Or, qui ne dirait que la phobie de l'étranger est xénophobie
? Qui ne dirait que la phobie de la différence raciale est racisme ? Alors,
pour respecter le langage pour lequel Mme Balmary s'inquiète, il faut le dire,
tous ces excès sont homophobie.
mon cordial salut à Marie Balmary :)
RépondreSupprimerJeanne Benhaim
Extraordinaire chute de votre article, qui, après avoir mimé le respect et la modération, termine en insulte. Preuve une fois de plus de ce que j'ai constaté: TOUT opposant au projet de loi dit "mariage pour tous", à un moment ou à un autre, se fait taxer d'homophobie.
RépondreSupprimerC'est la marque d'une pensée totalitaire que de n'accepter aucune critique sans l'insulter, la décrédibiliser. Marie Balmary pourrait donc bien être prophète...
Cher Ulysse Platon,
Supprimerje trouve votre acribie moindre que celle de Platon et votre ruse aussi perfide que celle d'Ulysse.
Ou avez-vous vu une insulte dans mon propos ? Ayant jadis invité Mme Balmary à donner une conférence, je ne vois pas comment j'aurais pu lui manquer de respect. Le premier paragraphe de mon texte, totalement hors sujet, était là pour dire le respect et le sérieux avec lequel je lisais son travail.
Insulte, dites vous, dans mes derniers mots. Dénoncer l'homophobie est-il insulter ? Certains parlent de racisme anti-blancs. Vous seriez à suspecter un racisme anti-gay-friendly ? Et encore, ne s'agit-il pas d'être gay-friedly mais seulement de demander le respect pour tous.
Mon texte ne parle que de la comparaison de la fin du texte de Mme Balmary qui ne me paraît pas respecter ceux qui réclament cette loi en comparant ce qu'ils instituent aux pires crimes. Mme Balmary nous invite à ne pas maltraitez le langage, je pense qu'elle a été prise au piège de ce qu'elle dénonçait.
Je dis que je comprends que l'on puisse être contre ce projet de loi. Je dis que je suis opposé à la PMA avec tiers. Et me voilà totalitaire.
Ne pensez-vous pas vous aussi que l'on puisse être contre cette loi ? N'êtes-vous pas, vous aussi contre la PMA avec tiers ? Partagerions-nous le même avis ? Je n'ose imaginer que vous soyez totalitaire.
Pourrez-vous enfin m'indiquer où vous voyez dans mon texte ce qui permet de parler de "TOUT opposant au projet de loi" (sic!)
Je suis d'accord avec l'auteur de cet article et je ressens la même intense déception concernant Marie Balmary que j'appréciais énormément. Ayant écrit contre la position du rabbin Bernheim qui se servait des textes bibliques pour rendre présentable son homophobie sous couvert de "respect" des textes bibliques (alors qu'il les déformait), je constate la même attitude chez le détracteur de l'article : il dit qu'on "insulte" simplement parce qu'on démonte les arguments des opposants au mariage gay et qu'on montre l'inanité de leurs arguments.
RépondreSupprimerCe qu'il y a sous cette violence symbolique (et sous les pseudo-arguments utilisés contre le mariage gay) c'est la grande peur des hétéro-normés : qu'on puisse revendiquer et aimer la liberté sexuelle, y compris tous azimuts, et surtout le fait que celle-ci n'est pas assujettie à la reproduction alors que tous les dogmes religieux et de la morale hétéro conventionnelle essaient de l'y cantonner.
Vive le plaisir d'aimer sans contraintes !
J.L. www.spiritualite-libre.com
Je crois que je serais d'accord avec vous sur tout sauf sur votre enthousiasme final. L'amour sans contrainte, j'ai bien peur que cela n'existe pas, parce que la rencontre de l'autre pose des contraintes, et heureusement, ne serait-ce qu'en tâchant d'endiguer la violence narcissique, le fait d'être auto-centré, de se prendre pour le nombril du monde.
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