Il paraît qu'il faut être progressiste pour penser que les autorités ecclésiales reviennent sur les affirmations du dernier concile. Certes pas tous les évêques, dira-t-on. Mais nous contesterons que ceux qui ne hurlent pas avec les loups se taisent bien souvent, trop souvent.
Il paraît qu'il faut être attaché à des débats dépassés, entendez des années 70, pour tenir à la distinction entre presbytéral et sacerdotal. C'est ce qui m'a été dit il y a déjà quelques temps.
Et voilà que je tombe sur quelques pages d'un homme autorisé que présentait dans les termes suivants le journal La Croix (en sept 2007) :
Si Bernard Sesboüé n'a jamais souffert « sérieusement » de suspicion dans son travail théologique, sans doute parce qu'il a longtemps été considéré comme « très classique, pour ne pas dire conservateur » du fait de son grand sens de la Tradition, il lui est arrivé de faire l'expérience que le métier de théologien demande du courage.
Ainsi, ses réflexions à propos des ministères « n'ont pas plu », et il pense que cela lui a valu d'être « beaucoup moins consulté » qu'auparavant par la Conférence des évêques de France. Cela lui est arrivé aussi à la Commission théologique internationale, quand il a dit « des choses qu'il ne fallait pas dire » : des « gaffes » lucides et volontaires, dont il revendique le droit pour un théologien.
C’est au plan de cet enseignement officiel que les choses
apparaissent plus mélangées. Ch. Théobald a pu dire que l’attitude des
interventions romaines à l’égard du Concile donnent depuis une vingtaine
d’années « à l’ensemble du processus de réception le caractère d’un
continuel « oui,… mais », c’est-à-dire d’un accord de fond non exempt
d’une réticence discrète et corrective. »
Bien entendu, il n’est pas question de revenir sur les
grandes affirmations conciliaires, mais la tentation demeure de leur donner une
interprétation et leur réserver une mise en œuvre que l’on pourrait dire
« aseptisée ». Les louanges régulièrement adressées au travail
du Concile recouvrent souvent une attitude de maintien du statu quo. Prenons
l’exemple de la collégialité épiscopale. Elle est souvent invoquée mais elle
n’a pas réellement changé le mode de gouvernement de l’Eglise qui reste
centralisé comme par le passé. Le Cardinal Kasper disait lui-même que les
possibilités ouvertes par la collégialité épiscopale sont loin d’être exploitées.
La distinction entre collégialité affective et
collégialité effective, intelligente et subtile, a pour effet de rendre
inopérantes les conséquences pratiques de la collégialité dans le gouvernement
universel de l’Eglise. Les grands problèmes doctrinaux qui se sont posés depuis
le Concile ont été traités par la voie romaine. On a vu aussi la séquence des
documents « encadrer », de manière stricte, la question de
l’autorité doctrinale des conférences épiscopales.
Il faut enfin reconnaître que le déplacement des catégories opéré à Vatican II sur le ministère épiscopal et le ministère presbytéral, avec toutes ses nuances complexes, est encore loin d’être entré dans les mentalités. Nous constatons en 2010 une nette régression dans le domaine du vocabulaire courant : sacerdoce redevient le terme sujet au détriment de presbytérat. Après un premier temps d’une prise au sérieux de la distinction entre presbytérat et sacerdoce et de sa mise en œuvre dans les premiers documents, on constate un retour progressif et quasi inconscient aux catégories antérieures, en référence immédiate au concile de Trente. Le sacerdoce universel des fidèles risque de retomber dans l’oubli. Un vocabulaire pluri-centenaire ne s’oublie pas en deux ou trois générations
Il faut enfin reconnaître que le déplacement des catégories opéré à Vatican II sur le ministère épiscopal et le ministère presbytéral, avec toutes ses nuances complexes, est encore loin d’être entré dans les mentalités. Nous constatons en 2010 une nette régression dans le domaine du vocabulaire courant : sacerdoce redevient le terme sujet au détriment de presbytérat. Après un premier temps d’une prise au sérieux de la distinction entre presbytérat et sacerdoce et de sa mise en œuvre dans les premiers documents, on constate un retour progressif et quasi inconscient aux catégories antérieures, en référence immédiate au concile de Trente. Le sacerdoce universel des fidèles risque de retomber dans l’oubli. Un vocabulaire pluri-centenaire ne s’oublie pas en deux ou trois générations
J'ai essayé de corriger la mise en page. J'espère que c'est mieux. Je te réponds sur le fond sans tarder.
RépondreSupprimerVoilà un résumé (!) en deux parties de l'usage lexicographique... et idéologique.
RépondreSupprimerBonne lecture !
En grec, prêtre se dit hiereus (que l’on retrouve dans hiérarchie ou hiératique), un mot où se fait entendre le sacré, comme dans la traduction latine sacerdos. Ce mot n’est jamais employé par le Nouveau Testament pour désigner des ministres chrétiens. Il est bien sûr utilisé pour parler des prêtres juifs ou païens. (En français, il n'y a qu’un seul substantif, mais deux adjectifs, presbytéral et sacerdotal.)
Parmi les ministères du le Nouveau Testament, on trouve, à Jérusalem notamment, selon une manière juive de penser (par ex. Mc 11,27), des anciens, en grec presbuteroi (cf. presbytie). La bible latine traduit par seniores. La transcription presbiteri n’est pas du bon latin !
Ainsi donc, il n’y a pas de sacerdotes dans le Nouveau Testament, mais seulement des presbyteri. Deux exceptions doivent être soulignées. Premièrement et uniquement dans l’épître aux Hébreux, Jésus est appelé sacerdos. Mais si je puis dire, Jésus n’est pas chrétien ! Deuxièmement, le peuple est dit sacerdotal dans la première épitre de Pierre et dans l’Apocalypse. On retrouve cela dans le rite de l’onction, au baptême, où il est dit que le néophyte est configuré au Christ, prêtre, prophète et roi.
Un sacerdos est un homme du culte, du sacré, qui offre les sacrifices, un intermédiaire entre la divinité et le peuple. Si un tel homme existe pour les chrétiens, c’est Jésus. Ou alors, désormais, tous prêtres dans le grand-prêtre qu’est Jésus, nous offrons à Dieu le sacrifice spirituel, notre vie (Cf. Rm 12,1). Nous intercédons par Jésus pour tous les hommes.
Les ministères du Nouveau Testament consistent quasi-exclusivement dans l'annonce de la parole. Cela ne veut pas dire que ces ministres ne baptisaient pas, ou ne rompaient pas le pain. Mais de façon général, c’est la communauté qui rompt le pain, qui est assidue à la fraction du pain.
Très vite cependant, le vocabulaire sacerdotal est entré dans la langue chrétienne. Non qu’il se mette à y avoir des sacerdotes, mais que n’ayant comme Ecritures que ce que nous appelons aujourd’hui le Premier Testament, on en fit une lecture allégorique. Ceux qui sont responsables des communautés ne sont pas des sacerdotes, ils n’offrent pas de sacrifices. Mais ils tiennent une place que l’on peut comprendre en relisant ce qui est dit du sacerdoce mosaïque, aaronique (le sacerdoce de Jésus est selon l’ordre du roi Melkisedek, c’est-à-dire non héréditaire, non de clan, mais sui generis).
Peu à peu une sacerdotalisation du vocabulaire se fait jour, oubliant l’allégorie de sorte que l’on dira, sans s’apercevoir qu’il ne devrait pas s’agir d’un premier degré de sens, des sacerdotes chrétiens.
Luther a violemment contesté cette dérive. Sa critique du clergé est à la hauteur du scandale clérical de l’Eglise du Pape. Il revendique le sacerdoce commun des fidèles. Sa position est scripturairement juste. Elle contredit l’usage de l’Eglise du 16ème siècle. Le concile de Trente condamne presque mot pour mot ces thèses. C’est la canonisation, au sens littéral, du sacerdoce.
Le concile Vatican II sait que l’on peut reconnaître la justesse des thèses luthérienne sans perdre sa catholicité. On est sorti de la polémique anti-protestante. Le décret sur le ministère et la vie des prêtres (Presbyterorum ordinis) distinguent soigneusement sacerdoce et presbytérat. Lumen Gentium 10, la constitution sur l’Eglise, article sacerdoce ministériel et sacerdoce baptismal. Ce faisant, on conserve l’appellation sacerdotale pour les prêtres. Tout cela est en fait un faux problème, si les prêtres ne sont pas sacerdotes. Car ce qu’il faut articuler c’est sacerdoce de tous les fidèles (donc aussi de ces baptisés qui sont prêtres), qui est un sacerdoce commun, c’est-à-dire que c’est comme peuple que l’on est sacerdotal, et presbytérat. Jean-Paul II achève le mouvement dans sa lettre aux prêtres de 78 disant que le sacerdoce des prêtres est subordonné à celui des fidèles.
RépondreSupprimerOr depuis une vingtaine d’années on resacerdotalise le presbytérat. Cela se voit par exemple dans le recours au costume ecclésiastique, dans la restriction de la place des femmes dans le chœur (y compris des filles comme servantes d’autel), la place importante données aux célébrations et à la présence du prêtre dans l’église (adorations, permanences de confession), etc., etc.