02/02/2013

"L'amour n'est pas aimé" (4ème dimanche du temps)


Un des textes du top-ten des Ecritures, l’hymne à la charité (1 Co 13). Il revient presque systématiquement dans les mariages, et qui pourrait ne pas être enthousiasmé par une telle déclaration d’amour à l’amour ?
A dire vrai, nous sommes nombreux à ne pas aimer l’amour. L’amour n’est pas aimé. C’est une évidence. Si l’amour était aimé, que de violences seraient évitées, que d’ignorances et de mépris disparaîtraient !
L’amour n’est pas aimé, c’est ce que saint François d’Assise aurait dit au sultan Al-Kamil. Alors que les croisés assiègent Damiette, en Egypte, François veut rencontrer le sultan pour lui annoncer l’évangile. Fou inconscient aux yeux des croisés qui tentent de le retenir, il manque de peu d’être exécuté par les musulmans mais finit par s’entretenir avec le sultan. Celui-ci, autant que nous le sachions, porte grande attention aux propos de François, à l’annonce de l’évangile, à l’annonce de l’amour y compris des ennemis.
Mais alors, pourquoi cette guerre des croisés demande le sultan. La réponse, aussi désabusée que laconique tombe, aussi affligée que cynique, l’amour n’est pas aimé. Il semble que c’était là un leitmotiv de François qui aurait pleuré en parcourant la campagne d’Ombrie et en se lamentant : L’amour n’est pas aimé.
Il ne faudrait pas que notre attachement au chapitre 13 de la première aux Corinthiens ne soit que de parole. Aimer un tel texte c’est s’y convertir ou mentir, c’est s’y rendre ou le trahir.
Mais coupé de son contexte, cet hymne perd une part considérable de sa force. Il achève la séquence sur la diversité dans l’Eglise. Aujourd’hui comme hier, notre Eglise est diverse. Tous ne pensent pas pareil, tous ne croient pas pareil, tous n’agissent pas pareil, tous ne votent pas pareil, quand bien même tous servent le même Dieu.
La diversité semble une attaque à l’unité. Il serait tellement plus simple, sans risque de se tromper pensent certains, de répéter ce que dit le Pape. A Corinthe, en l’an 50 déjà, il y a des clans dans la communauté, groupes sociaux, groupes d’influence. Et l’on se querelle pour savoir qui est la vraie communauté. Ceux qui sont de Paul, ceux qui sont d’Apollos, Les questions de société divisent les chrétiens. Les évêques doivent-ils intervenir dans l’affaire du mariage pour tous ? Les évêques doivent-ils intervenir lors des élections, et prendre explicitement leur distance par rapport au Front National ? Les évêques doivent-ils être engagés dans la lutte aux côtés des sans-abris, dans le soutien aux sans-papiers et aux migrants ?
Et pourquoi parler des évêques seulement ? Pouvons-nous au nom de notre foi, prendre telle position sociale, politique, morale, alors que nous savons très bien que tous les chrétiens ne pensent pas comme nous, quand bien même nous pensons qu’ils sont dans l’erreur. Pouvait-on emporter l’évangile dans l’orbite du marxisme pour la libération des pauvres en Amérique du Sud, comme cela a été reproché à la théologie de la libération et à la pastorale de certains diocèses ? Pouvait-on emporter la croix – et ce n’est pas une affaire de crucifix concrets ‑ dans les manifestations pour ou surtout contre le mariage pour tous dans les rues de France ?
La question n’est pas tant de savoir ici si la position que nous tenons est conforme à l’évangile, que de savoir que notre position, même juste, est l’une de celles qui divisent la communauté. Nos vivons nos différences comme des divisions, des différends. C’était ainsi il y a deux mille ans. Cela l’est encore. C’est dans notre communauté qu’au nom de l’amour de la vérité, l’amour n’est pas aimé.
Il est des manières d’avoir raison qui nous donnent tort. Nous aimons la vérité plus que nos frères alors qu’il n’y a pas de vérité possible sans l’amour des frères. N’est-ce pas exactement ce que signifie l’amour des ennemis ?
La diversité doit être perçue comme indice de l’Esprit qui répand ses dons. Si une opposition nous apparaît, à nous de voir comment, perçue comme dons de l’Esprit, elle concourt à la construction de l’unique corps du Christ. Et si nous ne savons pas trancher, alors, Paul nous indique une voie infiniment supérieure. Quand il devient impossible de se mettre d’accord par la discussion, quand il devient impossible de reconnaître la diversité comme dons de l’esprit, la particularité de l’autre comme un charisme, alors, ne reste qu’une voie, celle de l’amour.

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