Un des textes du top-ten des Ecritures, l’hymne à la charité
(1 Co 13). Il revient presque systématiquement dans les mariages, et qui
pourrait ne pas être enthousiasmé par une telle déclaration d’amour à l’amour ?
A dire vrai, nous sommes nombreux à ne pas aimer l’amour. L’amour n’est pas aimé. C’est une
évidence. Si l’amour était aimé, que de violences seraient évitées, que d’ignorances
et de mépris disparaîtraient !
L’amour n’est pas aimé,
c’est ce que saint François d’Assise aurait dit au sultan Al-Kamil. Alors que
les croisés assiègent Damiette, en Egypte, François veut rencontrer le sultan
pour lui annoncer l’évangile. Fou inconscient aux yeux des croisés qui tentent
de le retenir, il manque de peu d’être exécuté par les musulmans mais finit par
s’entretenir avec le sultan. Celui-ci, autant que nous le sachions, porte
grande attention aux propos de François, à l’annonce de l’évangile, à l’annonce
de l’amour y compris des ennemis.
Mais alors, pourquoi cette guerre des croisés demande le
sultan. La réponse, aussi désabusée que laconique tombe, aussi affligée que
cynique, l’amour n’est pas aimé. Il
semble que c’était là un leitmotiv de François qui aurait pleuré en parcourant la
campagne d’Ombrie et en se lamentant : L’amour
n’est pas aimé.
Il ne faudrait pas que notre attachement au chapitre 13 de
la première aux Corinthiens ne soit que de parole. Aimer un tel texte c’est s’y
convertir ou mentir, c’est s’y rendre ou le trahir.
Mais coupé de son contexte, cet hymne perd une part
considérable de sa force. Il achève la séquence sur la diversité dans l’Eglise.
Aujourd’hui comme hier, notre Eglise est diverse. Tous ne pensent pas pareil,
tous ne croient pas pareil, tous n’agissent pas pareil, tous ne votent pas
pareil, quand bien même tous servent le même Dieu.
La diversité semble une attaque à l’unité. Il serait tellement
plus simple, sans risque de se tromper pensent certains, de répéter ce que dit
le Pape. A Corinthe, en l’an 50 déjà, il y a des clans dans la communauté,
groupes sociaux, groupes d’influence. Et l’on se querelle pour savoir qui est
la vraie communauté. Ceux qui sont de Paul, ceux qui sont d’Apollos, Les
questions de société divisent les chrétiens. Les évêques doivent-ils intervenir
dans l’affaire du mariage pour tous ? Les évêques doivent-ils intervenir
lors des élections, et prendre explicitement leur distance par rapport au Front
National ? Les évêques doivent-ils être engagés dans la lutte aux côtés
des sans-abris, dans le soutien aux sans-papiers et aux migrants ?
Et pourquoi parler des évêques seulement ? Pouvons-nous
au nom de notre foi, prendre telle position sociale, politique, morale, alors
que nous savons très bien que tous les chrétiens ne pensent pas comme nous,
quand bien même nous pensons qu’ils sont dans l’erreur. Pouvait-on emporter l’évangile
dans l’orbite du marxisme pour la libération des pauvres en Amérique du Sud,
comme cela a été reproché à la théologie de la libération et à la pastorale de
certains diocèses ? Pouvait-on emporter la croix – et ce n’est pas
une affaire de crucifix concrets ‑ dans les manifestations pour ou surtout contre le
mariage pour tous dans les rues de France ?
La question n’est pas tant de savoir ici si la position que
nous tenons est conforme à l’évangile, que de savoir que notre position, même
juste, est l’une de celles qui divisent la communauté. Nos vivons nos différences
comme des divisions, des différends. C’était ainsi il y a deux mille ans. Cela l’est encore. C’est
dans notre communauté qu’au nom de l’amour de la vérité, l’amour n’est pas aimé.
Il est des manières d’avoir raison qui nous donnent tort.
Nous aimons la vérité plus que nos frères alors qu’il n’y a pas de vérité
possible sans l’amour des frères. N’est-ce pas exactement ce que signifie l’amour
des ennemis ?
La diversité doit être perçue comme indice de l’Esprit qui
répand ses dons. Si une opposition nous apparaît, à nous de voir comment,
perçue comme dons de l’Esprit, elle concourt à la construction de l’unique
corps du Christ. Et si nous ne savons pas trancher, alors, Paul nous indique une voie infiniment supérieure. Quand il
devient impossible de se mettre d’accord par la discussion, quand il devient
impossible de reconnaître la diversité comme dons de l’esprit, la particularité
de l’autre comme un charisme, alors, ne reste qu’une voie, celle de l’amour.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire