La naissance du Baptiste est bien dans le style des Ecritures, conception miraculeuse, don du nom, annonce d’une vie au service des œuvres de Dieu. Cette naissance permet d’inscrire celle de Jésus dans la suite de celles que raconte le premier Testament. Elle permet de joindre ce qui n’existe pas encore, un premier et un second testament. L’alliance dont Dieu se souvient ‑ c’est le sens du nom de Zacharie ‑ est recadrée : l’enfant ne s’appellera pas comme son père, mais Jean, Dieu fait grâce. Quand Dieu se souvient, il fait grâce
C’est ce que déploie jusqu’à l’accomplissement, jusqu’à l’extrême, la vie de Jésus.
Il fallait aussi permettre aux disciples de Jean de rentrer dans le rang. Jésus, disciple de Jean est le maître. Il trace sa route et abandonne le chemin que le Baptiste avait ouvert dans le désert. La conversion est nécessaire, mais elle est la conséquence de la miséricorde divine, non ce qui la motiverait. Ce n’est pas par crainte de la cognée à la racine de l’arbre que l’on se convertit, c’est parce que le Royaume est venu jusqu’à nous, que le temps de la grâce est ouvert ; Jean l’avait dit en son nom : Dieu fait grâce.
Avec la naissance de Jean, chaque naissance est annonciatrice de celle de Jésus. Elle donne l’expérience et les mots pour entendre ce qui advient en Jésus. Un fils d’homme pour qui la poursuite de la justice est nécessité, obligation, devoir, mais aussi service et révolte.
On aurait aimé que le psaume, à la naissance d’un enfant, qui crie comme tout nouveau-né, qui crie aussi dans le désert, à la naissance d’un enfant qui réjouit, on aurait aimé que le psaume soit celui qui commande de pousser des cris de joies ! Non parce que nous serions heureux, mais pour faire trembler les oppresseurs. Comme les esclaves noirs qui découvrent dans l’évangile, gospel, la force qui renverse les puissants de leur trône. Déployant la force de son bras, il renverse les superbes comme il avait ouvert la mer. Le cri de joie des petits a de quoi inquiéter ceux qui se pensent puissants, qui vivent en puissants.
Avec la naissance du Baptiste, ce qui s’inaugure, c’est une écriture de l’histoire depuis les victimes. Inscrire sur le marbre, ou du moins sur le parchemin recopié jusqu’à aujourd’hui, l’injustice des puissants, la dénoncer, encore et toujours. Ecrire le chant de joie des écrasés, ne pas oublier leur mémoire, y compris lorsqu’ils furent détruits au nom de l’évangile, l’évangile à la main. Il en sait quelque chose le Baptiste, supprimé par Hérode.
Cette injustice, cette violence, c’est la nôtre. C’est celle d’un ordre mondial dont nous profitons aux dépends des autres, ceux qui ne sont pas blancs, Occidentaux, et si possible mâles. Le sommet pour un nouveau pacte financier, hier, est-il un énième atermoiement des pays riches ? Certains des chefs d’Etat du Sud ne veulent plus de promesse, seulement que le Nord fasse ce à quoi il s’est déjà engagé.
Nos concitoyens, partout au Nord, refusent l’immigration des pauvres, ou une nouvelle chance pour les prisonniers ou la dignité des pauvres. Or nous sommes l’origine de l’asservissement où nous mettons la planète. L’Evangile s’il n’est pas politique, l’évangile s’il est le mol édredon où nous assouvissons nos désirs malsains, lubriques, de spiritualité, ne mérite pas une seconde qu’on s’y attarde.
La naissance du Baptiste comme la résurrection de Jésus est insurrectionnelle ; anastasis : il élève les humbles.
On pourra penser que la fête est une stratégie de christianisation des fêtes païennes du jour le plus long. Il est trop long le jour de la souffrance des humiliés. Elle a assez duré la fête insouciante et meurtrière des riches. Oui, la lumière l’emporte sur la nuit, notre calendrier l’atteste en ces jours. C’est cela que nous voulons raconter à nos concitoyens du Nord. S’il est une pastorale kérygmatique, c’est celle-ci. Le voici le kérygme : l’anastasis, le relèvement et l’insurrection des humiliés, en Jésus, par Jésus, hier, aujourd’hui, demain.
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